Portrait de Michel Borelli pour le “Med in Marseille” : “Même dans la torpeur estivale, nous le savons les femmes et les hommes politiques ne font la sieste que d’un œil. Ils préparent tous leur rentrée politique, peaufinent leurs interventions pour leurs universités et certains en cette année 2015 sont déjà en campagne comme notre premier ministre venu sur nos terres du Sud soutenir la tête de liste socialiste aux régionales de décembre qui ressemble à l’agneau du sacrifice tant sa situation est mal aisée.
En effet si Provence-Alpes-Côte d’Azur n’a pas fait l’objet du charcutage institutionnel qui fait passer nos collectivités locales de 22 à 13, elle connaît un séisme de taille. M. Michel Vauzelle, 71 ans, président depuis 1998 a décidé de ne pas se représenter, PACA fait partie de la liste des régions où le Front National peut créer une surprise de taille comme dans le Nord-Picardie, l’union de la gauche majorité sortante part pour l’instant divisée au combat et nous allons savoir si la réforme territoriale qui vient de s’achever séduit ou pas les électeurs et les élus locaux. Autant de paramètres qui en font une région test.
La rédaction de Med In Marseille a décidé donc de faire le tour des formations politiques qui vont se présenter au renouvellement de l’exécutif local. Notre premier choix s’est naturellement porté sur Sophie Camard, tête de liste déclarée d’une coalition qui regroupe Europe Ecologie Les verts, le Parti de Gauche et Ensemble ! Paca. Cette jeune néo-marseillaise depuis 2003 habite les quartiers Nord, elle est âgée de 42 ans, elle fêtera son 43ème anniversaire entre les deux tours et nous lui souhaitons un bon anniversaire qui se concrétisera peut-être par une surprise électorale.
Elle est née au Havre d’un père chimiste dans une raffinerie. Très tôt elle a été sensibilisée à l’écologie à travers la question du pétrole. Elle est passionnée de plongée sous-marine et a participé à des missions d’éco-volontariat pour aider à une meilleure connaissance de la bio-diversité. Elle est engagée dans la vie associative et le syndicalisme. Elle n’est pas une inconnue en politique. Elle est pour cette mandature dans la majorité, conseillère régionale, présidente de la Commission emploi, développement économique régional, enseignement supérieur et innovation. Economie et co-présidente de son groupe avec Christian Desplats. Ce n’est pas qu’une politique professionnelle et elle est à mi-temps responsable d’équipe dans un cabinet de conseil aux représentants du personnel qui défendent l’emploi et les conditions de travail. Ces études ont été brillantes, Docteure en sciences politiques (Sorbonne Paris I), titulaire d’un Diplôme de Sciences-Po Paris et d’un Diplôme Supérieur en Comptabilité Gestion. Sportive, lettrée, engagée auprès des citoyens par son mandat et ses causes militantes, Sophie Camard est le prototype même des nouveaux élus dont nous avons grandement besoin pour changer de gouvernance et passer à celle du XXIème siècle. En plus l’état des forces progressistes sur notre terroir est tel que tout est à reconstruire. En dynamitant la majorité actuelle et faisant une alliance différente à gauche elle a engagé le chantier. C’est courageux et c’est une réponse à la politique nationale des socialistes qui sont devenus socio-libéraux malgré les promesses électorale de François Hollande : « mon ennemi c’est la finance » – « je hais les riches » qui a complètement perdu sa gauche, menti à son électorat et trahis l’espoir de changement dont de nombreux électeurs voyaient en lui le porteur.
C’est aussi une réponse à l’intronisation par le parti Socialiste de sa tête de liste, Christophe Castaner député-maire de Forcalquier qui cumule les handicaps : il vient d’un département qui ne pèse pas lourd en voix en PACA, il est mal connu du grand public et malgré son expérience politique le soutien de Valls et de Macron sont deux chaussures plombées pour le capitaine d’un navire qui sombre et dont l’amiral de la flotte Michel Vauzelle a laché le gouvernail avant la tempête à venir. De plus acquis aux thèses libérales en vogue dans son parti il s’aliène une bonne partie de l’électorat de gauche de la région. Son seul espoir ressemble au fantasme de Hollande pour 2017, se retrouver au deuxième tour face au Front National et nous refaire le coup éculé du front républicain. Avec un Estrosi qui braconne sur les terres de la Marion pataugeant en plein drame familial, la gauche risque de perdre PACA comme le département des Bouches du Rhône. Mais il n’y aura peut-être pas de malheur de Sophie et si elle réussit sa campagne, avec une fusion à 5% des votants et un maintien de liste à 10% une autre voie politique peut s’ouvrir. De plus elle nous a dit qu’elle était en négociation avec le PC et qu’en l’état tout était possible. Les régionales sont peut-être la répétition générale d’un scénario possible pour 2017, à suivre. En plus avec la Conférence de Paris sur le climat, elle aussi en décembre, les écologistes se devaient de marquer leur différence et d’apparaître en toute autonomie sur la scène politique. Ils se doivent de faire oublier leur mauvais résultats à la présidentielle et aux autres élections intermédiaires. Après tout quand toute le monde verdit son discours peut-être que l’original vaut mieux que les pâles copies que nous offrent tous les partis de France. Sans oublier que le mode de scrutin est aussi favorable à leur formation. Mais pour gagner, il faut séduire et que nous propose Sophie dans sa boîte à outils, non, là je suis méchant, je préfère avant-programme. D’abord par un discours subtil elle réconcilie l’écologie, le social et l’emploi, souvent opposés dans des raisonnements stériles d’un autre temps. Elle n’est pas une adepte de l’écologie punitive. Elle est pour une économie verte créatrice de richesses et d’emploi et cadre idéal à la reconversion économique et industrielle dont a besoin notre région et la France en général. Juste un exemple, le développement de la l’éolien en mer dont les écologistes étaient les promoteurs dés 2010 en PACA. Leur slogan annonce aussi leur projet : « Faire de PACA la première région solaire de France » élémentaire, mais il fallait le dire et surtout mettre en adéquation les discours, les moyens et les textes législatifs. Ce qui est loin d’être le cas actuellement.
Sophie Camard veut faire de PACA la première Région-Coopérative. Mais ce n’est pas une copie de la démocratie participative à la sauce Royale. Elle est pour la co-construction du projet via des rencontres coopératives ouvertes, des assemblées ou fabriques citoyennes, dans les communes et quartiers de nos régions. Elle veut un nouveau mode de gouvernance démocratique qui permettra de reconquérir l’électorat qui a déserté les urnes, qui s’engage autrement ou qui est en opposition avec la structure pyramidale de décision qu’imposent les élus aux citoyens. C’est l’ouverture de sa coalition au-delà des partis et de la mécanique habituelle de la politique. Un exemple, les porteurs de projets même s’ils ont besoin souvent d’un financement sont aussi à la recherche d’une structure qui les mettra en relation avec tous les individus et organismes pouvant les aider à faire avancer leur action. La région peut jouer son rôle de mise en relation et de facilitatrice des initiatives citoyennes. Elle doit être constructrice de synergie. Par l’innovation elle doit redonner la motivation aux habitants de PACA. Nous retrouvons cet esprit dans la constitution même de sa liste qui a une base écologiste, sociale et démocratique. D’où son rapprochement avec le Parti de Gauche qui n’est pas trop éloigné idéologiquement et qui fait souvent la même analyse sur certains problèmes qu’EELV.
Dans notre entretien nous avons bien sur abordé le sujet de la réforme des territoires. Sophie Camard se dit déçu par celle-ci. Il y a eu beaucoup d’attentes et la réforme n’a pas été menée à bien. EELV était dans son ensemble pour la disparition du département. Elle dénonce une réforme faite dans une logique d’austérité budgétaire. Pas de nouvelles recettes fiscales prévues. Elle voit avec méfiance la Métropole Aix-Marseille qui risque d’être dévoreuse de budgets et souligne l’absence de suffrage démocratique pour que les citoyens choisissent eux-mêmes leurs représentants. Elle veut approfondir la décentralisation. Elle pense que le chômage de masse est en partie du à l’hyper-centralisation dont souffre toujours notre pays. Exemple le monopole de Pôle-Emploi. Mais elle compte utiliser à plein toutes les compétences régionales renforcées fruits de la nouvelle loi : l’aménagement du territoire, le développement économique et la mobilité avec les transports. Par exemple la région pourra aider directement les entreprises et nous voyons là tout l’enjeu pour inciter à une reconversion économique et industrielle en PACA.
La région sera aussi un acteur déterminant pour veiller à l’égalité des territoires en matière de développement et nous pensons là aux territoires en dehors des métropoles. Sophie Camard pointe l’exemple les zones des Bouches du Rhône en dehors de la métropole Aix-Marseille, terres souvent agricoles avec le cas de la Camargue qui mériterai une gouvernance unifiée avec une refonte du plan Rhône et de ses lourdeurs technocratiques qui devrait se nourrir des expériences des riverains du fleuve et de tous les acteurs qui interviennent sur ce site. La gestion de l’espace camarguais partagé avec la région Languedoc-Roussillon qui va se fondre avec Midi-Pyrénées et de la zone lagunaire qui se prolonge dans le Gard, conduit notre interlocutrice à souhaiter le rattachement de ce département à PACA, un choix que nous appuyons et qui relève du bon sens. Elle attire notre attention sur un outil que la région doit encore développer et monter en puissance : les Parcs Naturels Régionaux, espaces de concertation, de préservations de la nature et aptes à devenir des vecteurs de développement durable en harmonie avec les sites qu’ils abritent. Elle rappelle le rôle de l’Etablissement Public Foncier Régional dans la gestion des terroirs et son soutien au Conservatoire du Littoral pour préserver nos côtes du tout béton. Enfin nous finissons notre entretien en pointant les atouts et les faiblesses de notre région. En positif, le grand nombre d’espaces protégés, un potentiel énorme pour développer un tourisme respectueux de la nature. Elle ajoute : « La région est belle parce qu’il y a des écolos qui la protège. » Politique habile.
Sur le plan négatif, c’est bien sur le traitement des déchets. Il faut un plan régional de traitement des déchets ménagers avec une vraie planification et la mise en place de leur recyclage à la hauteur des problèmes actuels. Il faut en finir avec les décharges et les incinérateurs pollueurs. Elle fait référence enfin au nouveau contrat de plan état-région qui prévoit 30 millions d’euros pour l’économie circulaire (15 de l’Etat, 15 de la Région) qui seront investis en partie dans le traitement de ces déchets et permettra la mise en place d’innovation pour produire et recycler autrement. Elle nous invite à nos renseigner sur la plateforme PIICTO** qui œuvre pour une nouvelle manière de voir la production industrielle dans la zone de Fos. Enfin nous attendons avec impatience ses propositions sur le triptyque logement-transport-urbanisation pour lutter vraiment contre la pollution de l’air.
Je fini mon interview en revenant à une préoccupation purement tacticienne et je m’avance un peu en estimant qu’en l’état des choses sa coalition pèse entre 10 et 15% des suffrages, nous sommes à peu près d’accord sur le chiffre. Nous suivrons Sophie Camard dans son combat, nous la lirons et nous irons l’écouter avec ses colistiers. Sommes-nous au début de l’émergence d’une nouvelle force politique en PACA et sur le plan national ou cette division de la majorité régionale va entrainer la perte de la région pour la gauche, mais peut-on encore parler de gauche de gouvernement actuellement ?
*Ensemble ! PACA
Mouvement pour une alternative de gauche, écologiste et solidaire.
** Le projet partenarial PIICTO(*) pour une plateforme industrielle et d’innovation à Fos-sur-Mer : S’appuyant sur les infrastructures existantes et un espace de 1 200 hectares, le projet s’inscrit dans les orientations stratégiques du Port de Marseille-Fos et a pour ambition de réinventer la zone industrialo-portuaire. L’association PIICTO a été créée sous l’égide de la préfecture. Elle fédère 9 industriels ainsi que le Grand Port Maritime de Marseille (GPMM) et associe les services de l’Etat (Préfecture, DIRECCTE, DREAL), le Conseil régional Provence-Alpes-Côte d’Azur, le SAN Ouest Provence, l’ADEME, l’Union des Industries Chimiques Méditerranée (UIC) et de nombreux industriels. Elle vise à consolider l’écosystème industriel existant et à augmenter l’attractivité du territoire en vue de l’accueil de nouvelles activités. L’objectif est de réaliser des synergies entre les acteurs et de mutualiser les services afin de concrétiser un véritable schéma d’écologie industrielle.”
21 août 2015
par Michel Bonelli – Dans > En direct de Marseille > L’actu marseillaise
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