Mercredi 14 Août 2013 – Rebonds -Laurence Vichnievsky : L’écologie a-t-elle disparu des radars de la politique française comme ce fut le cas pour sa candidate quelques mois avant l’échéance présidentielle, mais cette fois de manière plus structurelle ? Oui, sans doute. La responsabilité n’en incombe pas aux dirigeants d’Europe Ecologie – les Verts (EE-LV) mais plutôt aux difficultés qui s’accumulent – récession, chômage, pouvoir d’achat, insécurité – auxquelles l’écologie, dans l’opinion commune du moins, n’apporte pas de réponses.
La stratégie politique du parti a pourtant bien fonctionné. Avec deux groupes parlementaires, deux ministres, des centaines de conseillers régionaux et des dizaines de vice-présidents de région, EE-LV a gagné une représentation non négligeable dans les institutions de la République, probablement supérieure à celle que lui aurait apportée l’autonomie dans un système fondé sur la proportionnelle.
Pour s’en tenir au plan national, la prolongation du moratoire sur l’extraction des gaz de schiste, le gel, voire l’abandon programmé, de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, une remise en cause, très timide, du tout-nucléaire, la perspective de l’introduction prochaine d’une fiscalité écologique sont, en tout cas, à porter au crédit de la participation de EE-LV au gouvernement.
On voit mal, au demeurant, ce qu’apporterait un éventuel retrait : probablement une fragilisation de ces acquis, sous la pression des groupes d’intérêt qu’ils dérangent.
Mais chaque chose a un prix. L’alliance privilégiée avec le PS, hier favorable à la montée en puissance de EE-LV, l’entraîne aujourd’hui dans sa chute. Le moment est donc venu de faire un premier bilan de l’action gouvernementale, avant d’envisager des solutions pour la suite. Le choix d’une stratégie économique fondée sur le soutien de la dépense publique et l’augmentation sensible des prélèvements obligatoires a montré ses limites : les engagements solennels de réduction des déficits n’ont pas été tenus dans les délais annoncés, l’axe franco-allemand, longtemps locomotive de la construction européenne, s’est en partie délité et, malgré quelques vertueuses protestations, notre pays passe insensiblement sous la tutelle de la Commission.
Quinze mois après la formation du gouvernement, le «redressement» promis n’est pas encore à l’œuvre. Le pouvoir a, jusqu’à présent, différé les réformes, qu’il s’agisse des effectifs de la fonction publique civile, de l’équilibre du régime des retraites, de la modernisation du marché du travail – malgré l’accord sur la sécurisation de l’emploi (ANI), qu’il faut saluer – ou de la simplification, pourtant urgente, de notre organisation administrative.
Loin d’être étrangère à ces atermoiements, EE-LV y a prêté la main, par ses appels répétés, aux côtés de l’opposition de gauche, à un changement de cap, qui enfoncerait un peu plus le pays dans l’immobilisme, dans le repli sur soi et dans la crise, avec les risques politiques que l’on imagine.
Car s’il faut changer de cap, s’il est devenu nécessaire d’élargir la base politique et sociale de la majorité, c’est bien dans un sens contraire à celui qui est préconisé : pas en faisant entrer les communistes dans le gouvernement pour constituer une nouvelle coalition rouge – rose – vert, comme le réclame notre direction politique, mais en élargissant la majorité au centre, voire au centre droit républicain, pour mettre en œuvre une nouvelle politique, réaliste et européenne, qui passe nécessairement par un rapprochement avec l’Allemagne telle qu’elle est, c’est-à-dire merkelienne.
Il est temps d’abandonner la logique du congrès d’Epinay, qui cadenasse la vie politique française depuis plus de quarante ans sur des clivages dépassés, sans gain réel pour notre pays. Quant à nous, écologistes, nous devons avoir l’audace intellectuelle de rebattre les cartes, d’imaginer une transition énergétique compatible avec la maîtrise de nos dépenses publiques, une écologie politique qui rompe avec les vieilles lunes du productivisme et du keynésianisme.
Nous devons avoir le courage d’arbitrer sur la base de nos propres paradigmes, qui ne sont ni ceux du libéralisme ni ceux du socialisme, entre l’environnemental, l’économique et le social ; car des contradictions existent évidemment entre ces différentes exigences, sauf dans la pensée plate du gauchisme.
Ce qu’il faut maintenant, c’est une grande coalition dans laquelle l’écologie, recentrée sur ses fondamentaux, aurait toute sa place, une grande coalition capable de faire revenir la France sur la scène européenne, capable aussi de prévenir le basculement de notre pays dans un 1789 à l’envers. Une grande coalition rose – vert – bleu clair !
Par Laurence Vichnievsky Conseillère régionale Paca (EE-LV)
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Elargir la majorité, du rose au bleu clair en passant par le vert – Libération.
2 réflexions au sujet de “Elargir la majorité, du rose au bleu clair en passant par le vert – Libération”
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En effet, je suis assez d’accord avec Jean Laurent Félizia . De toute évidence madame Vichnievski se trompe lourdement en évoquant le « bleu clair » comme une possibilité d’élargir l’assise écologique de notre pays… Il serait plus profitable pour nous qu’elle s’en tienne modestement à ses compétences dans le domaine juridique en travaillant à une réforme de notre système judiciaire qui est bien malade….Ce genre de déclaration frise l’indécence
Loin de ma pensée de nourrir les querelles intestines au sein de notre formation, si je partage la position de de l’amie qu’est Laurence Vichnievsky sur l’efficacité apportée à nombre de niveaux institutionnels et électifs par les camarades écologistes assisEs aux côtés d’alliéEs de gauche, je ne soutiens pas sa vision d’une ouverture à plus à droite -vers le bleu clair- pour les échéances à venir. D’abord parce que cette posture serait des plus naïves et suicidaires et que si la tentation d’y venir s’appuie sur la nécessité de contrer les radicalismes poussant, cette stratégie ne peut que s’avérer perdante. Tout d’abord parce que nous n’aurons jamais le fonctionnement de certains autres partis rompus à l’exercice de l’hégémonie ou de la démagogie, ensuite parce que nous ne trouverons jamais le fil rouge auprès d’acteurICEs politiques ayant vendu leur âme au diable pour abonder dans les filières des gaz de schistes, des OGM ou de l’écologie travestie en Greenwashing.
Ce sont aussi ces « bleu clairs » qui modélisent leur discours sur la méthode Merkel, ce « fameux » modèle allemand, foutaise qui a fait basculé la société d’outre-rhin -et depuis Gerhard Schröder- via une gestion ultra-libérale, dans une paupérisation sans nom et inégalée depuis la seconde guerre mondiale. Je crois plutôt digne et honnête intellectuellement de conserver notre ligne de débat interne, d’affronter avec courage les futures échéances avec la force de nos convictions et avec pédagogie pour que meurent dans l’œuf les démons nationalistes en incubation. Laissons plutôt au « bleu clairs » le libre arbitre de se verdir les idées et faire progresser avec nous l’écologie politique.