Rompre avec la langue de bois
Pour une écologie autonome, radicale et responsable
Une légende germanique raconte que, dans le Val d’Enfer, un cerf poursuivi par des chiens se vit acculé au bord d’un précipice. Un roc escarpé se dressait en face, au-delà du vide. C’était folie de s’élancer. Mais rester là, c’était mourir plus certainement encore. Le cerf sauta. Il parvint sain et sauf de l’autre côté.
Sommaire interactif :
L’écologie politique, pour faire quoi ?
L’écologie politique est une philosophie de réconciliation et de respect par l’humanité de son environnement. Un projet de transformation portant sur l’environnement, l’économie, le social, le sociétal. L’écologie politique est un chemin… vers un vivre mieux, vers un présent et un futur soutenables, une société ouverte, émancipée, un monde de paix et de justice… Notre modèle de développement s’appuie sur l’intelligence et la créativité humaine.
Tou-te-s les adhérent-e-s d’Europe Ecologie Les Verts partagent ces valeurs ! Nous œuvrons toutes et tous au quotidien dans nos villes et villages, dans nos campagnes, et quelles que soient les traverses que nous empruntons, pour la sortie du nucléaire, le partage des richesses et du temps de travail, le revenu d’existence, une agriculture paysanne, la relocalisation de l’économie, une altermondialisation, une solidarité intergénérationnelle et avec les migrants…
[Lire « VIVRE MIEUX Vers une société écologique – Programme d’action pour les temps qui viennent », que vous pouvez trouver en librairie édité par Les Petits Matins ou en téléchargement ici : https://eelv.fr/2012/06/05/projet-2012/.]
Quelles avancées avec la gauche au pouvoir ?
Les socialistes sont aux manettes en France. Ils « tiennent » tout : Présidence de la République, Assemblée nationale, Sénat, Conseils régionaux, Conseils généraux, communautés de communes, d’agglos, municipalités… Les écologistes participent activement à ces majorités.
Alors quelles avancées concrètes sur le terrain de nos valeurs ?
Rompons-nous, ne serait-ce qu’intentionnellement, avec la cupidité d’un modèle économique qui surexploite les ressources naturelles et humaines ? Les conditions d’une sortie du nucléaire sont-elles créées ou projette-t-on de prolonger la durée de vie des centrales à 50 ans ? Quelle date est fixée pour fermer Fesseinheim ? Nous dénoncions hier la politique droitière de traitement des étrangers, ne reproduit-on pas aujourd’hui quasiment le même schéma ? La majorité de gauche remet-elle en cause l’allongement de l’âge de départ à la retraite ? Le Budget 2013 fait-il la part belle à l’environnement ? Le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) ou l’Accord national interprofessionnel (ANI) sont-ils soutenables ? Quid de la pollutaxe sur les poids-lourds ? De la politique agricole ? Des pesticides ? De la pollution de l’eau ? De la protection des espaces sauvages ? L’arrêt de l’utilisation du bisphénol A (BPA) dans quelques années est-elle rassurante pour la santé ? Le lien direct entre l’environnement et la santé est-il reconnu dans les politiques publiques ? Le projet de réforme de l’éducation, en particulier dans son volet sur la réforme des rythmes, est-il ambitieux et populaire ? …
Sur le fond, heureusement que nos deux ministres apportent un petit plus, sinon le bilan serait encore plus catastrophique. Le travail accompli au ministère du Logement est indéniable, profond, visible, nécessaire. Heureusement aussi que nos député-e-s, sénateurs, sénatrices… limitent les dégâts. En Paca, l’action de nos conseillers régionaux est réelle.
Quel respect de l’accord EELV/PS ?
La période pour laquelle l’accord EELV/PS a été signé n’est pas terminée, il reste deux tiers du temps à parcourir. Mais l’analyse des différentes mesures de cet accord dense et riche en propositions qui avait demandé des mois de travail en commun éclaire sur les renoncements et les reports actuels. Ceux-ci n’apparaissent pas pour leur majorité dus aux retards habituels entre le projet et sa mise en œuvre mais à deux raisons essentielles :
– la priorité donnée à la réduction du déficit budgétaire interdit de fait d’engager nombre de propositions (transition énergétique…) ;
– de nombreuses mesures “marqueurs” d’une politique en rupture avec celle de la droite ont été abandonnées ou reportées (vote des résidents étrangers, évolution institutionnelle, relance de l’Europe, etc.). Enfin, la question des services publics et du redéploiement des moyens de l’Etat continue d’être abordée dans une mécanique comptable qui interdit certains choix qualitatifs et ne permet pas de mener une véritable politique d’investissement humain.
[Lire le tableau de synthèse comparant les clauses de l’accord EELV/PS et la politique gouvernementale réelle.]
Les parlementaires peuvent-ils voter ce budget 2013 ?
Nous pensons qu’il ne faut pas voter un budget d’austérité sans avancée écologique ! Hormis une maigre contribution climat-énergie, nous ne constatons aucune avancée. Alors que devraient être instaurés : une véritable refonte de la fiscalité afin qu’elle soit réellement redistributive et écologique ; une amélioration du budget sur la rénovation thermique ; l’abandon de l’augmentation de 7à 10% de la TVA sur les transports.
Les vraies économies sont à chercher du côté des 23,3 milliards consacrés à la mise en œuvre et au renouvellement des forces nucléaires sous-marines et aériennes (!), des 20 milliards du Crédit d’impôts compétitivité emploi (CICE) ou dans les grands projets inutiles comme l’aéroport Notre-Dame-des-Landes ou la liaison ferroviaire Lyon-Turin, que l’Assemblée nationale a pourtant validé le 1er novembre dernier.
Quant au revenu maximal ou au revenu d’existence, ils ne sont mêmes pas débattus, tant ils sont incompatibles avec l’orientation politique actuelle. Le gouvernement navigue à vue cédant alternativement aux intérêts privés les plus conservateurs et à l’idéologie de rigueur de la Commission européenne.
Les militant-e-s de La Motion Participative (LMP) demandent aux parlementaires d’EELV de ne pas voter ce Budget 2013 “en l’état“ et d’expliquer pourquoi.
[Lire le communiqué interne de LMP : « Ne votons pas ce Budget”.]
Sortir du gouvernement ?
Le gouvernement et la majorité sont sourds à l’urgence. Alors faut-il continuer à amender à la marge ? « Nous ne pouvons nous satisfaire de rafistolages. Conscients de la gravité des enjeux, puisque tout est déréglé, nous proposons de tout changer » affirmait le texte de synthèse adopté lors du congrès d’EELV à La Rochelle en 2011. Avons-nous été à la hauteur de cette ambition ? Quel bilan ?
Pour beaucoup de militant-e-s socialistes et d’électeurs, le compte n’y est pas non plus. Il serait paradoxal que les écologistes s’interdisent le débat de la participation gouvernementale alors même qu’il agite la grande majorité de ceux qui ont voté Hollande, qui ont espéré dans la gauche après les calamiteuses années sarkoziennes.
Dire que s’il ne s’opère pas un changement radical et immédiat de politique, nous devrions sortir de ce gouvernement-là ne signifie pas que nous serions automatiquement contre une autre participation gouvernementale beaucoup plus exigeante et adossée à la signature d’un véritable accord de gouvernement (s’il est encore possible de nourrir quelque espoir d’un respect, étant donné l’irrespect de notre accord EELV/PS !). Donc, dire que les espoirs nés de l’accord EELV/PS sont aujourd’hui déçus ne signifie pas qu’il ne peut pas y avoir d’autres épisodes plus fructueux.
Dire aussi que nous devons imaginer désormais une autre stratégie pour faire avancer les valeurs de l’écologie politique et que nous souhaitons un changement de majorité en interne d’EELV pour les mettre en œuvre n’est ni une attaque personnelle ou dirigée, ni une déclaration de guerre aux copains d’EELV qui défendent d’autres points de vue. Ceux qui croient que l’on fait une révolution verte à coup de petites réformes verdoyantes ont faux sur toute la ligne.
La question de la sortie du gouvernement se jauge aussi à l’aune de comment elle sera perçue par l’opinion. Bon nombre de nos concitoyen-ne-s ont l’impression que les écolos ont abandonné leurs valeurs au profit de leur représentation institutionnelle : montrons-leur qu’ils se trompent ! Soyons offensifs ! Le suivisme paresseux d’un partenaire socialiste dépourvu d’idées ne cesse de nous inquiéter. Si nous avions pu prévoir ce qui se passerait, aurions-nous fait le pari d’une participation institutionnelle aussi forte ?
Rien n’exclue (et au contraire) des alliances ponctuelles électorales ou sur le vote de certains textes, mais cautionner le gouvernement actuel est inconciliable avec l’incarnation d’une véritable alternative politique. Nous avons aujourd’hui autant de goudron dans les plumes que des oiseaux mazoutés et tout ceci sans même avoir pu déplier nos ailes ! Le changement n’est pas là. Quelque chose s’est brisé jusque dans les cœurs les plus endurcis, dans celui des plus cuirassés de la “raison” ou du “pragmatisme politique“, avec l’affaire Léonarda, l’annonce du rallongement à 50 ans de la durée de vie des centrales nucléaires, et le n-ième report de la n-ième pollutaxe.
Cessons d’assumer nos renoncements et nos affiliations, affirmons nos ambitions et nos convictions, quoiqu’il en coûte. S’ils persistent, la gauche et les écologistes vont à des échecs électoraux retentissants aux élections municipales et européennes. Allons-nous laisser faire en continuant dans le ronron actuel fait de déclarations fracassantes suivies de reniements honteux alors que dans le pays le désarroi et la grogne sont récupérés par des mouvements poujadistes ouvrant la voie au Front national ? Sans changement de cap et en continuant de naviguer à vue sans boussole, la France prend le risque d’échouer sur l’écueil d’un nouveau « 21 avril » en 2017.
[Lire le communiqué interne de LMP : « Ça suffat comme ci – secouons-leur les puces !”.]
Pourquoi EELV doit bouger ?
Notre mouvement ne ressemble pas à celui dont nous rêvions au sortir des Européennes de 2009, portées entre autres avec brio par Dany, Eva et José. Dans les récentes enquêtes d’opinion, nous sommes considérés comme « de moins en moins crédibles », de plus en plus « comme les autres partis », ça fait mal ! Mais nous n’avons là que la monnaie de notre pièce ! Où est passée cette « politique autrement » dont nous faisions notre gentil fond de commerce ? Notre parti est en crise. Ces dernières semaines ont révélé un fonctionnement délétère. Nous devons retrouver de l’élan, du souffle, l’importance du projet écolo-politique doit l’emporter sur la défense des intérêts personnels et des positions de pouvoir au sein du parti.
Le manque de transparence de certaines décisions au sommet comme à la semi-base, la perte de vue du sens de l’engagement, les renoncements qui s’empilent, notre liberté de parole qui disparaît pour laisser place au compromis mou, notre incapacité à créer un rapport de force permettant de faire entendre la voix des écologistes, le nombre des adhérent-e-s qui diminue à vue d’œil dans les groupes locaux et nos « porte-parole historiques » qui claquent la porte, la si belle idée gâchée de la coopérative…
Ce qui menace actuellement la petite planète verte, c’est un dérèglement culturel. La racine du mal, la clef qui ouvre les cœurs à la corruption, livre les institutions à l’entropie et mène parfois les civilisations à leur perte, c’est aussi le goût du pouvoir… pour le pouvoir. Pas le goût du pouvoir en tant que tel. Ni même l’ambition d’y accéder. Celle-ci n’a rien d’immoral, à condition de refuser d’y sacrifier ce qui est précieux, ce qui est sacré, ce qui est vivant. Contre le superflu et l’alimentation permanente des désirs par le système productif, André Gorz s’était fait le chantre de l’autolimitation et de la maîtrise du désir. Ce qui est valable pour le règne de la quantité l’est aussi pour le désir de pouvoir et la volonté de puissance.
L’enfer, c’est peut être les autres, mais les autres, c’est nous. Au cœur de cette logique, il y a aussi la résignation, l’acceptation des rapports de force imposés. Laisser le pouvoir à ceux qui en abusent, c’est s’en rendre complice.
Bien sûr, il y a bien des manières de s’opposer, et on peut lutter autrement que les armes à la main. Mais le culte du vote n’est qu’un dérivatif, une justification souvent hypocrite du rapport de force culturel. Le vrai pouvoir est intérieur, c’est la capacité à se changer soi-même avant d’imposer quelque changement que ce soit au reste du monde. La capacité à l’autolimitation, à la construction collective et au partage des responsabilités est le meilleur antidote au goût du pouvoir.
La “politique autrement” ne peut se limiter à la revendication d’une hypothétique supériorité morale sur les autres. La “politique autrement”, c’est celle qui fait de l’engagement politique le chemin vers l’émancipation du besoin de politique et du besoin d’avoir des maîtres, mêmes démocratiquement choisis.
[Lire la contribution de LMP : « j’aime le pouvoir, mais je me soigne”.]
Moins de bruit, plus de sens !
L’urgence écologique est là. Nous en sommes toutes et tous convaincu-e-s. Alors redevenons nous-mêmes, innovons, proposons et agissons. Décolonisons les imaginaires à coup d’écologie joyeuse, créative et partagée. Soyons à la fois radicaux et responsables, idéalistes et pragmatiques. Donnons corps à la solidarité générationnelle et universelle. Ouvrons-nous à la société. Moins, mieux, autrement : mettons la transition en œuvre. La question sociale est au cœur de nos propositions. Oui, la contribution climat énergie ou autres pollutaxes n’iront pas sans aides aux plus modestes. Y’en a marre que les écolos soient perçus comme des faiseurs de taxes et d’impôts ! C’est pour un changement culturel que nous œuvrons.
Alors avec vous, avec Yves Cochet, Karima Delli, Alain Lipietz, Lucile Schmid et tous les participatifs, mobilisons-nous ! Rompons avec la langue de bois ! Ayons de l’audace, ami-e-s écologistes. Qu’avons-nous à perdre (de plus) ? Changeons-nous pour mieux changer EELV, mieux changer la région, mieux changer le pays, mieux changer l’Europe, mieux changer le monde ! Remplaçons ensemble le Produit intérieur brut par le Bonheur intérieur brut, privilégions le local sur le mondialisé, abandonnons la croissance des profits pour celle du bien-être partagé.
Discuter sans tabous des questions qui fâchent sans nous fâcher. Assumer notre agir local et notre pensée globale ! C’est que vous proposent les copains et les copines de La Motion Participative (LMP) de Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Plus d’infos : http://lmp-eelv.com/
Pour prendre contact avec les signataires de LMP en Paca : paca.lmp@gmail.com