Fuite radioactive à Penly : l’écologie redevient audible
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LE PLUS. L’écologie est un thème absent de la campagne présidentielle. Pour Yves Paccalet, philosophe écologiste, c’est un tort. Il importe de prendre en compte l’avis des personnes soucieuses de l’environnement avant que des désastres tels qu’une fuite radioactive à la centrale de Penly ou une marée noire ne se produisent.

Les médias, les éditorialistes, les commentateurs, les « grands » candidats et leurs « communicants », bref « les milieux bien informés » comme disait Coluche, nous serinent à longueur de temps d’antenne et de décodage à pleins tubes, que le message écologiste ne touche plus le sondé ; qu’Eva Joly est « inaudible » ; et que la « séquence » politique actuelle « ringardise » les idées vertes.

Cependant, les périls que redoutent les écolos sont aussi têtus que les fameux « faits » de Lénine. La science des rapports entre l’homme et la biosphère se venge chaque fois que de gros malins tentent de l’envoyer six pieds sous terre. Notre civilisation développe des techniques complexes, qui répondent à un seul impératif : la rentabilité financière. La sécurité abaisse le taux de profit. Elle agace les décideurs et les fonds de placement.

Incident à Penly : rien de grave, vraiment ?

À la centrale nucléaire de Penly, près de Dieppe, de l’huile dégouline et prend feu. Sur quoi, l’une des quatre pompes du circuit de refroidissement primaire de l’un des deux réacteurs tombe en panne et perd les eaux : mais pas pour une naissance espérée ! Le réacteur s’arrête automatiquement : encore heureux ! L’autorité de sûreté nucléaire (l’ASN) classe ces « incidents » au niveau 1 sur une échelle de 7 : rien de grave !

Mais l’écologiste se pose des questions. Primo, il ne reste plus que trois pompes pour refroidir le cœur. Que se passerait-il si d’autres rendaient l’âme ? Secundo, il s’agit bien d’un problème dans le circuit primaire de la machine – le plus proche de la masse radioactive ; le plus susceptible, en cas de fuite, de cracher dans la nature une eau fortement contaminée. Est-on sûr de récupérer ces effluents avant qu’ils n’aillent polluer la Normandie et la Manche ?

L’écologiste tatillon arrête ici ses questions aux autorités atomiques. Il se tourne vers Total. Ce colosse pétrolier, dont une plate-forme accidentée crache en ce moment même le méthane en mer du Nord, pourrait être lavé de toute responsabilité dans la marée noire de l’Erika.

Écœuré et indigné

Vous vous souvenez ? Fin 1999, 300 kilomètres de côte souillée par le mazout, trois cent mille oiseaux morts, la Bretagne humiliée, bafouée, violée… Eh ! bien : parce que l’Erika était immatriculé à Malte (sous pavillon de complaisance), et parce que le naufrage s’est produit en dehors des eaux territoriales françaises (quoique dans notre zone d’intérêt économique exclusif), tous les jugements rendus jusqu’ici contre la compagnie pourraient être cassés. Total sortirait du désastre blanc comme l’écume !

J’ignore quelle décision prendra le juge de cassation, mais je suis outré. Indigné. Écœuré. Enragé… Il me vient l’idée de plonger le PDG du groupe dans le pétrole – jusqu’aux moustaches ! Avec une rémige de cormoran mazouté sur la tête… Je respecte la loi : je m’abstiendrai de cette séance méritée de goudron et de plumes.

Les Verts doivent être écoutés

Mais je sais une chose : si les Verts étaient mieux entendus ; si on ne les faisait pas passer pour des « bobos » illuminés ; si les « milieux bien informés » cessaient de propager l’idée que l’écologie est un « gadget de riches » ; « un luxe qui perd sa pertinence en temps de crise » ; alors oui : dans ce cas, nous estimerions plus justement les risques nucléaires, climatiques, chimiques, épidémiques ou autres. Nous tenterions d’organiser notre société, non pas en fonction du profit, mais à l’aune du bonheur. À tout le moins, nous aurions des lois pour ramener à la raison, aussi souvent que nécessaire, les irresponsables qui n’agissent que pour le fric.

> Par Yves Paccalet philosophe écologiste

Edité par Amandine Schmitt   Auteur parrainé par Guillaume Malaurie

 Retrouvez cet article sur le site du Nouvel Observateur

http://leplus.nouvelobs.com/contribution/519869-fuite-radioactive-a-penly-l-ecologie-redevient-audible.html

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