La formation tout au long de la vie n’est pas un nouveau gadget, ni, a fortiori, une manière de mieux utiliser les hommes et femmes comme variables d’ajustement de l’économie, en les faisant passer sous la toise de l’employabilité. C’est, tout au contraire, un véritable projet de société.
En effet, la civilisation industrielle s’est construite sur l’illusion que les ressources naturelles étaient illimitées et en s’accommodant de l’idée que les capacités des êtres humains étaient inégalement réparties et naturellement limitées par leurs « dons » respectifs. Le productivisme a poussé cette conception à son paroxysme, encourageant le pillage du monde et creusant les inégalités, conçues comme une fatalité.
Nous savons, aujourd’hui, que les ressources naturelles sont limitées. Cela nous impose de mettre en place un autre modèle de développement construit sur de nouvelles formes d’organisation économique et sociale qui ne pourront exister que grâce à une mobilisation sans précédent de l’intelligence et de la créativité des humains. C’est pourquoi les écologistes doivent faire, veulent faire de la formation tout au long de la vie, un élément fondateur de leur politique.
La formation tout au long de la vie, c’est la possibilité, pour chacune et chacun, de construire son histoire personnelle et professionnelle sans être enfermé dans une voie définie à l’avance par sa formation initiale, ses premières expériences, son territoire d’origine. C’est la capacité offerte à chacune et à chacun de choisir ses apprentissages et ses activités en fonction de ses goûts et des projets qu’il veut et peut mener à bien. C’est le refus de toute exclusion et de toute fatalité.
Mais, pour faire passer cela dans les faits, il nous faut aujourd’hui de vrais changements. La France, en effet, est le pays d’Europe où ce sont ceux et celles qui ont déjà bénéficié le plus de la formation initiale qui profitent le plus de la formation continue ; c’est aussi le pays d’Europe où le diplôme obtenu en fin du cursus scolaire et universitaire est le plus déterminant sur la trajectoire professionnelle. Nous devons changer cela : il nous faut instaurer un véritable « crédit formation », avec un droit à la « formation initiale différée » ; il nous faut offrir à tous les demandeurs d’emploi des possibilités de formation correspondantes à leurs besoins ; il nous faut mettre en place dans les entreprises, de manière concertée avec les personnels, des plans de formation qui permettent d’anticiper les changements requis par la nécessaire transition écologique.
Et, pour cela, il faut clarifier le « paysage de la formation, actuellement trop confus et peu lisible, surtout pour ceux et celles qui sont les plus éloignés de l’emploi et de la formation. Les Régions sont le bon échelon pour faire cela, dans le cadre des services publics régionaux de la formation (SPRF). Elles ont vocation à être de véritables « ensembliers » sur tout le segment « orientation / formation / insertion / emploi ». Espérons que « l’acte 3 de la décentralisation » leur en donnera les moyens, tant institutionnels que financiers. C’est un enjeu essentiel pour notre avenir.
Philippe Meirieu
Vice-président (EELV) de la Région Rhône-Alpes délégué à la formation tout au long de la vie,
professeur en sciences de l’éducation à l’université LUMIERE-Lyon 2