DECHET TRÈS SPÉCIAL
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LES DÉCHETS, LES PAYSANS ET LA BUREAUCRATIE. C’est un paysan Ligure qui vit de l’autre côté de Gênes, près des célèbres Cinque Terre, parc naturel classé au patrimoine mondial de l’Unesco pour l’incroyable travail des générations de paysans qui y ont vécu et façonné le paysage en terrasses. Ce paysan-là élève des brebis depuis 1987 sur un territoire similaire à l’arrière-pays alpin de notre belle Provence. Il nous explique qu’une nouvelle réglementation fait de la laine un résidu de la tonte et la classifie comme déchet spécial.

Il s’en suit, en Italie comme en France, que les administrations chargées de protéger l’environnement contre le déversement abusif de produits toxiques, ont produit des normes et des filières pour s’en débarrasser. Face au pouvoir destructeur bien connu de la laine, il était indispensable et urgent d’empêcher un paysan arriéré-de-pays de la répandre dans la nature. D’autant plus dans une réserve naturelle. Je caricature ? déjà qu’il ne restait que les plus coriaces et résolus des paysans sur ces pentes abruptes, la bureaucratie va-t-elle avoir leur peau… de mouton ?!!!

En tant que citoyen-ne-s militant-e-s, régulièrement mobilisé-e-s pour que ces normes soient respectées par les industriels peu scrupuleux, tentons un cas d’école en trois points, histoire de renouveler la blague de l’énarque et du berger :

Première question : pour un troupeau, combien de personnes y a-t-il derrière un bureau ? dans les commissions d’évaluation, de supervision, de régulation environnementale, les institutions agricoles, les ministères etc… oh, vertige !

Deuxième question : si le paysan décidait de vendre la laine de ses moutons, est-ce que le prix couvrirait le salaire du tondeur ? mais comme personne ne veut acheter cette laine, quel que soit son prix, la question ne se pose plus.

Troisième question : le paysan ligure s’étant demandé à quel endroit il doit amener son déchet spécial… se rend à l’évidence qu’il n’y en a nulle part dans toute la Ligurie, et que personne ne semble se préoccuper de la création d’un tel endroit. C’est sûr qu’il n’y a pas foule de moutons (ovins et caprins confondus, tout juste 25.000 têtes) dans toute la région. Ah oui, il y a bien ces trois races anciennes à préserver pour le patrimoine mondial de la biodiversité, mais bon… et maintenant qu’est-ce qu’on fait ?

Il pourrait se dire : « Allez, je laisse courir, je ne tonds pas ». Non, non, non, pas question ! « Le mouton (brebis au féminin) doit être tondu une fois par an pour être en bonne santé » disent les normes, et il y a « maltraitance » si on ne tond pas, et une amende conséquente. Par contre, selon les mêmes cahiers des charges, il pourrait bien les parquer à 100 dans 80 m2, sans émouvoir les experts du maniement de la souris, c’est aux normes, à condition qu’elles soient TONDUES !! et peu importe si le paysan ligure, c’est sur 3 hectares qu’il la met, sa centaine de brebis.

Je ne dis pas que tous les agriculteurs soient follement respectueux de la « nature » (pas de noms SVP !), mais là ça me fâche et je ne sais même pas quoi faire. Peut-être une réserve d’irréductibles paysans Ligures en voie d’extinction ?

Poilagratter

D’après : Paysans ligures entre illégalité et extinction
« I contadini in Liguria tra illegalità ed estinzione »
crédit photo : www.agraria.org