Comme chaque année, le rapport de la Fondation Abbé Pierre sur la situation du mal logement en France sonne comme un cri d’alarme. Avec près de 4 millions de mal logés et 8 millions de personnes frappées par la crise du logement, la France est à la traîne.
Pourtant le droit au logement est reconnu au niveau européen, aussi bien dans la Charte européenne des droits fondamentaux que dans la Charte sociale européenne. La France a d’ailleurs été condamnée une première fois en 2007 pour non respect de ce droit.
La région PACA n’est pas en reste, avec plus de 350 000 ménages en situation de mal logement, et à peine 12% de logements sociaux contre 17% au niveau national, la région est parmi les plus mauvais élèves. Pour rattraper le retard et répondre aux besoins, il faudrait construire pas moins de 40 000 logements par an pendant 10 ans, prioritairement dans le Var et les Alpes-Maritimes où le taux de logements sociaux dépasse à peine les 8% ! Ce déficit criant de logements sociaux a un impact direct sur le niveau des loyers : la hausse des loyers depuis 15 ans en PACA a été la plus forte de France, devant l’Île-de-France, avec une moyenne de près de 5% par an.
Malgré un coût de la construction parmi les plus élevés de France, la construction de logements sociaux doit être la priorité numéro 1. La mise à disposition du foncier de l’Etat, facilitée par la loi Duflot, devrait permettre de débloquer en partie la situation, mais le gouvernement devra revenir sur la hausse de la TVA sur la construction sans quoi les objectifs fixés ne pourront pas être atteints.
De même, l’encadrement et le gel des loyers à la relocation doivent permettre de sortir de cette spirale infernale, à condition de se donner les moyens d’identifier les propriétaires qui commettent des abus, par exemple avec la mise en place d’un « miroir des loyers » comme il en existe en Allemagne.
Avec environ 240.000 logements vacants qui alimentent la bulle immobilière en PACA, il est urgent d’appliquer la loi de réquisition afin d’offrir un habitat digne aux ménages reconnus prioritaires dans le cadre de la loi DALO. A l’approche de la fin de la trêve hivernale, il faut aussi décréter sans attendre un moratoire sur les expulsions locatives car il coûte plus cher à la collectivité de sortir les gens jetés à la rue que de les maintenir dans leur logement.
La situation des sans-abris est également de plus en plus critique : leur nombre a explosé depuis le début de la crise, et les moyens n’ont cessé de se réduire pour l’accueil et l’hébergement des personnes sans domicile. Si les sans-abris font la Une des médias en hiver, c’est toute l’année qu’ils meurent dans la rue. Les préfets devraient réaliser des diagnostics territoriaux afin d’identifier le nombre de personnes dans le besoin et d’apprécier la diversité de leurs situations et ainsi leur apporter des réponses adaptées, en allant de l’hébergement d’urgence jusqu’à la réquisition de logements vacants, en passant par l’attribution de logements sociaux sur le contingent préfectoral.
Ce que souligne le Parlement européen dans sa résolution sur une stratégie de l’UE pour les personnes sans-abris, c’est que les visages des sans-abris ont changé. L’image du clochard bohême a fait long feu, et ce sont aujourd’hui de plus en plus de migrants, de femmes et de jeunes qui se retrouvent à la rue.
Si de nombreux migrants sont accueillis dans les centres d’hébergement d’urgence, c’est d’abord par manque de places dans les Centre d’Accueil pour Demandeurs d’Asile, mais c’est surtout faute d’avoir les papiers nécessaires pour accéder à un emploi et à un logement décent: les régulariser leur permettrait de s’intégrer plus rapidement et de retrouver une vie digne.
De même, une attention toute particulière doit être portée sur la situation des femmes et sur celle des jeunes qui souffrent particulièrement des violences et de l’exclusion. Des réponses spécifiques doivent leur être apportées, et il faut saluer le travail remarquable fait par les associations qui leurs viennent en aide.
Si le droit au logement est aujourd’hui reconnu dans les textes, l’accès à ce droit est encore loin d’être assuré pour les plus pauvres et les plus fragiles. La volonté politique d’enrayer la crise du logement existe. Nous devons désormais nous donner les moyens, à tous les niveaux, des collectivités locales et l’Etat jusqu’à l’Union Européenne, pour que demain plus personne ne se retrouve à la rue.
Karima Delli
Députée Européenne EELV