Pour un déconfinement responsable à Marseille
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Propositions pour un déconfinement responsable
tenant compte des urgences
sanitaire, sociale, écologique et économique

 

Le 11 mai est un tournant dans la crise sanitaire que nous traversons. L’urgence impose des mesures immédiates que les autorités publiques locales tardent à mettre en œuvre. Nous, écologistes, proposons un déconfinement responsable et solidaire. Nous pensons aussi qu’il faut, dès maintenant, lancer un grand plan de transition écologique, sociale et démocratique pour le moyen et le long terme.

Face à la crise sans précédent que nous traversons, nous regrettons tout d’abord qu’il n’y ait pas eu plus de concertation entre toutes les forces politiques de la majorité et de l’opposition. Les autres grandes villes ont organisé des conseils municipaux en visio-conférence et des réunions avec les forces vives de la ville pour évoquer la gestion locale de la crise.

Cette crise révèle la vulnérabilité d’un modèle libéral-produtiviste qui a fragilisé notre système public hospitalier et nous a rendu dépendants à une économie globalisée, y compris pour des produits de première nécessité (masques, médicaments de base…). Cette crise met en exergue également le manque de transparence sur le pilotage de notre système de santé. A Marseille, la crise met en évidence la faillite de la démocratie locale avec des responsables politiques qui ont tardé à réagir à la situation d’urgence sanitaire et à ses conséquences économiques et sociales.

Les équipes de Debout Marseille, avec des partenaires associatifs, éducatifs, culturels et de santé, ont travaillé sur un plan pour permettre un déconfinement responsable le 11 mai, à Marseille et dans la Métropole.

Pour nous, un déconfinement responsable ne sera possible le 11 mai, notamment pour les écoles, que si les toutes conditions matérielles sont réunies. Aujourd’hui elles ne le sont pas. Voici nos préconisations

1) Protocole sanitaire :

Toute la population doit avoir accès gratuitement à des masques, dont le port est obligatoire dans les transports publics, notamment, et à du gel hydroalcoolique. La distribution généralisée de masques doit commencer par le public prioritaire : les soignants, les agents de la fonction publique, le public à risque et les travailleurs exposés au public, puis la totalité de la population. Ces masques doivent être disponibles gratuitement dans les pharmacies, les mairies de secteurs et leurs annexes, les stations de transports et tous les lieux accueillant du public. Des distributeurs de gel hydroalcoolique doivent être installés dans ces mêmes lieux publics.

L’ARS doit permettre, comme le recommande le directeur général de l’OMS depuis des mois, que l’ensemble de la population puisse être testée. Il nous faut plus de connaissances sur le degré d’exposition de la population au virus. A Marseille, grâce à l’IHU, 5% de la population a été dépistée : nous sommes en pointe. Mais 5% c’est encore très peu et les tests seront à refaire régulièrement. Nous devons savoir quelle part de la population est contaminée grâce aux tests de diagnostic moléculaire dit PCR élargis. Nous ne pouvons pas nous contenter de tests faits à la demande, aux seuls personnes présumées malades ou en situation de fragilité. D’autre part, il faut se préparer à réaliser des tests sérologiques avec prélèvement sanguin, afin de connaitre le niveau d’immunité de la population. Cette information permettra des stratégies adaptées.

Il convient enfin de généraliser le dépistage au sein de la population dans le but de placer les personnes porteuses du virus en isolement (chez eux ou s’ils souhaitent protéger leur famille dans des hôtels réquisitionnés à dessein par la Mairie centrale) le temps qu’elles soient guéries,  tout en permettant aux autres de reprendre une vie plus normale.

2) Respect des libertés publiques et des droits fondamentaux :

La prolongation de l’état d’urgence sanitaire par le gouvernement instaurant de fait un état d’exception et de mise entre parenthèse de la première de nos libertés, celle de circuler librement, est inquiétant. Avec le déconfinement, les français doivent retrouver leurs libertés et cesser d’être infantilisés. Nos concitoyens comprennent les enjeux de santé publique. Si on ne leur ment pas, ils peuvent même avoir confiance dans leurs dirigeants.

La traçabilité des personnes contaminées, qui a fait ses preuves dans certains pays pour limiter fortement la pandémie, doit être strictement encadrée par une procédure claire et largement expliquée aux citoyens, dans le respect des libertés publiques.

Enfin, les marseillais doivent retrouver l’accès aux espaces naturels, dans le respect des gestes barrières.

3) L’insoutenable réouverture des écoles le 11 mai :

Dans le cadre du déconfinement, le maire de Marseille annonce la réouverture des crèches et des écoles maternelles et primaires le 12 mai.

L’accueil des enfants est pour nous prématuré : il a été décidé de façon unilatérale par le gouvernement qui en fait porter la responsabilité aujourd’hui aux collectivités et aux directeurs et directrices d’école. C’est une erreur.

Aujourd’hui les personnels de l’éducation alertent sur l’impossibilité de mettre en place le protocole sanitaire. Ecoutons ceux qui connaissent le mieux la réalité du terrain. Ne faisons pas de l’école un lieu anxiogène, très éloigné de sa mission : instruire et socialiser nos enfants. Les règles de distanciation sont très anxiogènes à l’école maternelle où les contacts physiques, les jeux collectifs seront interdits.

A Marseille, tout sera pire qu’ailleurs : l’état des écoles défraie la chronique depuis plusieurs années. Au moins le quart des écoles est en mauvais état notamment dans les quartiers les plus populaires. Enfin, la quasi-totalité des écoles mal isolées vont se transformer en étouffoir dès les premiers jours de chaleur. L’incurie de la municipalité pour l’entretien et la réfection des écoles  laisse anticiper un retour chaotique dans les crèches et les écoles publiques durant cette pandémie.

Nous appelons la ville de Marseille pour le 11 mai, à :

– accueillir dans les crèches et les écoles uniquement les enfants dont les parents ne peuvent pas télétravailler et qui n’ont pas d’autre choix de mode de garde.

– résoudre la fracture numérique en distribuant du matériel informatique aux élèves.

– mettre en place une cellule psychologique par établissement pour apporter soutien et réconfort aux élèves souffrant des conditions de reprise. Les psychologue de l’Education Nationale ne pouvant suffire (1 psychologue pour 20 écoles…), il conviendrait que le Préfet recrute des psychologues supplémentaires pour le temps de la pandémie.

– mettre à disposition du personnel enseignant et des familles des ressources et du matériel propices à la réalisation d’activités artistiques et ludiques.

– rendre accessible les parcs, plages, jardins et espaces naturels pour mener activités éducatives menées par les enseignants.

Nous demandons enfin un débat public transparent, urgent, entre la Mairie de Marseille et l’Education Nationale, afin de travailler dès aujourd’hui sur les conditions de scolarisation en septembre prochain. Nos écoliers, collégiens et lycéens seront-ils 30 dans les classes le 1er septembre ? De nouveaux lieux devront être mobilisés. La scolarisation doit être réinventée. C’est un gros chantier à démarrer maintenant.

4) Déplacements :

Les unités de transport (métro, tram, bus) doivent être adaptées à un nombre limité de voyageurs avec filtrage à l’entrée dans le bus / la station, et marquage au sol pour les usagers.

Les collectivités doivent inciter à l’usage des transports doux, notamment du vélo et de la marche.

A Marseille en mars, ATMO a constaté une baisse de deux tiers des émissions d’oxydes d’azote depuis le début du confinement. Aussi, si le confinement a permis une baisse de la pollution, le risque est grand après le 11 mai de voir exploser le trafic automobile avec des citoyens qui ne prendront pas les transports en commun et se déplaceront seul dans leur voiture.

Ce risque de montée en flèche de l’autosolisme (fait d’être seul dans sa voiture) est préoccupant : non seulement les émissions polluantes augmenteraient, mais l’exposition des gens augmenterait davantage encore. En effet à l’intérieur de la voiture on est 3 fois plus exposé à la

pollution routière que sur le trottoir. Le risque est d’amplifier le rebond du virus.

Face à ce risque réel, des villes (Paris, Berlin, Bogota, Grenoble…) commencent à réserver des rues sanctuarisées vélo/piéton, pour limiter l’impact de la pollution et prévenir la contagion. Une mesure pragmatique qui devrait être prise dans notre ville (via la Métropole) gangrenée par le trafic automobile.

Nous demandons au Maire de Marseille et à la présidente de la Métropole de réserver après le 11 mai de grands axes de circulation aux piétons et aux vélos (Canebière, rue Paradis, bd National, bd du Littoral, Corniche par exemple) et d’installer en urgence des parkings à vélos et des ateliers de réparations vélos dans chaque arrondissement.

5) Logement :

Le droit au logement est le premier droit fondamental. Il y aurait à Marseille 36 000 logements vacants selon la Fondation Abbé Pierre. Les acteurs concernés estiment que 10 000 sont inhabitables. A cela s’ajoute le bâti vide appartenant à l’Etat (casernes, gendarmerie…) ou au patrimoine des collectivités locales. La base légale de la réquisition des logements vacants existe avec l’ordonnance de 1945 et les lois de 1998 et de 2013.

Le Maire peut commencer par réquisitionner et reloger dans le bâti municipal ou paramunicipale vacant.

Le Maire doit également procéder à la construction d’hébergement d’urgence en nombre et en petites unités de concentration (Covid oblige) pour les SDF et les jeunes migrants notamment, sur des terrains qui appartiennent à la Ville. Une piste peut être l’usage des containers aménagés ; nous avons le savoir-faire sur place et cela peut se faire en quelques jours si la volonté politique est là.

D’autre part, avec le confinement, des millions de personnes ont vu leurs revenus baisser et certaines dépenses – d’alimentation ou d’énergie – augmenter. Acquitter son loyer est devenu pour ces personnes extrêmement difficile, voire impossible. Des associations locales demandent un moratoire sur le versement des loyers et la création de fonds d’aides aux habitants. Il faut que les autorités publiques s’engagent aussi à un moratoire sur les expulsions locatives dans les 6 mois à venir pour éviter d’envoyer des personnes dans la misère et dans la rue.

6) Alimentation :

La Ville doit maintenir après le 11 mai l’aide de 5 euros par repas, soit 100 euros par mois pour les 2000 enfants qui ne payent pas la cantine.

La Ville doit accompagner les structures qui vont livrent des repas à domicile des personnes âgées restant confinées.

La Ville doit réouvrir les marchés alimentaires dans la ville et monter (en lien avec l’ADEAR) d’autres marchés paysans dans la Ville pour développer les circuits courts et le lien direct producteur / consommateur.

7) Solidarité :

Dans notre ville où plus d’un quart de la population vit sous le seuil de pauvreté, il y a urgence à mettre en place, comme à Grande Synthe, le minimum social garanti en le finançant par des économies d’énergie et de fonctionnement (parc automobile, papier, éclairage, renégociation des contrats, meilleure valorisation de notre patrimoine…). Ce minimum social est nécessaire pour lutter contre l’extrême pauvreté dans notre ville. L’objectif est d’amener au niveau du seuil de pauvreté (soit 850 euros par mois) les personnes qui vivent dans des conditions indignes, de rendre ainsi de la dignité aux personnes les plus fragilisées, de les sortir d’une angoisse permanente pour payer ses factures. Mais aussi de ramener ces personnes vers l’insertion professionnelle en leur sortant la tête de l’eau.

Cette mesure doit être mise en place au plus vite pour les personnes précarisées les plus jeunes et pour les retraités les plus pauvres. Elle sera une humble réponse locale à un désespoir global. La mairie de Grande Synthe a ainsi dégagé pour cette aide 1,2 million d’euros, dont 620 000 euros par an proviennent d’économies d’énergie sur l’éclairage public.

8) Culture :

Notre territoire, terre de festivals et riche d’un grand nombre d’opérateurs culturels et d’artistes, souffre de cette année blanche.

Les collectivités locales doivent accompagner les grandes scènes conventionnées mais aussi les petits lieux intermédiaires (cafés concerts, petites scènes de danse, lieux de pratiques amateurs…) avec un plan d’urgence pour éviter que ces lieux, créateurs de lien social et ciment de notre vivre ensemble, ne disparaissent.

9) Soutien aux associations, aux artisans, aux libraires, aux acteurs de l’économie sociale et solidaire :

L’Etat a prévu des mesures importantes de soutien aux acteurs économiques, il faut renforcer ces mesures d’accompagnement en tenant compte de notre tissu économique et social.

Un fonds de soutien exceptionnel doit être créé pour les artisans, les acteurs de l’économie sociale et solidaire, les libraires. Il faut maintenir l’aide à la vie associative tant un grand nombre de ce tissu associatif a déjà été fragilisé par la suppression des emplois aidés.

10) Tourisme :

La crise doit être l’occasion de revoir le tourisme de masse qui a des retombées économiques importantes mais aussi de lourds impacts en matière de pollution, de bétonisation de notre littoral…

Il faut développer un tourisme intelligent et soutenable avec des touristes qui prennent le temps de comprendre notre ville, de découvrir ses aspects insolites et singuliers et ses richesses naturelles exceptionnelles, de s’éloigner des circuits frénétiques de consommation standardisée. Profitons de cette période pour entamer une réflexion avec les professionnels du tourisme pour que soit élaboré un plan pour un tourisme soutenable à Marseille.

11) Espaces naturels :

Les Marseillais doivent pouvoir profiter de leurs parcs et jardins et de leurs espaces naturels d’exception : Calanques, mer, Etoile, Nerthe…

Les accès doivent être régulés mais autorisés pour que les familles puissent enfin respirer. De même, l’accès aux plages dès le mois de juin doit être anticipé en prévoyant une surveillance, un volume de personnes limité ainsi qu’un temps de fréquentation limité pour permettre au plus grand nombre de retrouver le lien avec la mer.

12) Période estivale :

Penser le déconfinement, penser le monde d’après est un impératif, mais penser aussi la période estivale à Marseille s’impose.

En lien avec les services de l’État, les structures associatives financées par la politique de la ville et des autres collectivités territoriales, la Ville de Marseille doit organiser (comme cela se faisait il y a encore une dizaine d’années) la mise en place de micro-structures d’accueil (centres d’animation, colonies de vacances…), qui recevront cet été en priorité les enfants des personnes travaillant dans les secteurs économiques « déconfinés », les enfants confinés dans des situations de précarité et ceux issus de famille à risque de violences intrafamiliales.

La Ville et la Métropole doivent abonder les chèques vacances CAF pour permettre aux familles les plus démunies de s’offrir une pause dans des structures d’accueil locales (accueil à la ferme, gîtes partenaires…). En effet, l’été avec la canicule qui souvent l’accompagne, risque d’être très difficile pour des familles nombreuses dans les quartiers populaires ayant passées déjà plusieurs mois confinées dans de petits logements.

Contact presse : Sébastien Barles 06 75 00 63 31