ROMS  : des solutions maintenant !
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Lettre ouverte au ministre de l’intérieur

Monsieur le Ministre,

Face à la désespérante actualité d’expulsions quotidiennes de campements roms et à la chasse par les habitants d’un campement dans les quartiers nord de Marseille qui nous rappelle des heures sombres où les pogroms étaient légion en Europe, il est urgent d’agir. Car il ne s’agit plus aujourd’hui d’un simple problème humanitaire, sanitaire et social mais c’est maintenant l’intégrité physique de ces personnes qui est en jeu par le laisser-faire des autorités locales et la politique contradictoire du gouvernement.

Comment accepter de voir des pauvres s’en prendre à d’autres personnes encore plus pauvres. Comment accepter de voir des enfants d’immigrés brûler un campement similaire aux bidonvilles et aux baraquements dans lesquels vivaient leurs parents en arrivant en France. Comment accepter d’entendre des élus locaux légitimer ce type de dérive par des propos ou par une présence physique comme cela a été le cas pour une adjointe du Maire de Marseille en pleine campagne législatives qui s’était livrée à une « descente » musclée avec des riverains sur un campement. Cela montre bien que notre société perd ses repères et que nos élus sont souvent à la lisière du populisme et ont abandonné leur rôle d’éclaireurs des consciences.

Avec l’alternance politique, une évolution s’est esquissée avec la circulaire interministérielle du mois d’août et la mise en place de tables rondes en Préfecture. Toutefois, l’urgence sanitaire et sociale sur le terrain reste souvent la même et les expulsions continuent sans que de réelles solutions alternatives aient été trouvées.

On assiste aussi à des différences de traitement selon les départements et les Préfets intolérables dans notre République où l’égalité devant la loi doit être la règle. Ainsi, le Préfet de Loire Atlantique applique t-il de manière généreuse la circulaire en ayant fixé un moratoire sur les expulsions en attendant d’élaborer de vrais solutions d’hébergement et d’intégration tandis que le Préfet des Bouches-du Rhône en a une lecture extrêmement restrictive et fondée sur l’incitation exclusive au retour dit humanitaire. Or, le retour volontaire ne peut pas être la seule arme des autorités publiques. L’Etat ne peut continuer à dépenser des millions d’euros chaque année (415 millions d’euros en 2009 pour 20 000 expulsions de Roms) pour l’éloignement de ressortissants européens qui reviendront le plus souvent.

Il est nécessaire d’élaborer des solutions d’accueil et d’intégration adaptées en mobilisant les fonds européens dédiés pour favoriser l’intégration des populations d’origine tsiganes (scolarisation des enfants, aide à l’emploi, accès aux soins, création de filières économiques, suivi social…) en travaillant sur des projets de petites unités d’accueil à vocation pérennes.

L’Union européenne est censée avoir une politique volontariste en matière d’intégration des populations Roms et de lutte contre les discriminations. 10 milliards d’euros sont consacrés chaque année à financer des projets.

Il est scandaleux d’apprendre le détournement par des politiques corrompus et des associations fantômes de la majeure partie des 2,25 milliards d’euros du FSE destinés à l’intégration des Roms en Roumanie.

Scandaleux également d’observer qu’en France seulement 1,5 million d’euros issus des fonds européens FSE, FEDER et FEADER ont été utilisé pour le financement d’une trentaine de projets spécifiques même si certains d’entre eux sont des projets exemplaires à l’instar du village d’insertion Rom de Montreuil.

Nous vous demandons Monsieur le Ministre de créer une ligne dédiée aux populations Roms dans le cadre des fonds européens et de décentraliser leur gestion aux Régions. Cela leur permettra d’apporter un appui technique au montage de projets et de réunir l’ensemble des acteurs concernés : maires pour trouver des terrains, conseils généraux pour le suivi social, acteurs sociaux et ONG humanitaires type Médecins du Monde et Fondation Abbé Pierre, acteurs de l’économie sociale et solidaire spécialisés dans l’auto-construction et le recyclage et la revalorisation des déchets…

Ces solutions ne sont possibles que si et seulement si sont levées les mesures transitoires comme cela est le cas dans la majorité des pays de l’Union européenne maintenant. L’Allemagne montre d’ailleurs l’exemple aujourd’hui en inaugurant par sa chancelière un mémorial du génocide tzigane et en rappelant par la voix de sa chancelière les discriminations dont est victime en Europe la plus grande minorité ethnique de l’Union européenne.


L’errance de ces populations avec des conditions de vie de plus en plus dégradées n’est plus acceptable. C’est une question de Droits de l’Homme mais aussi de paix sociale et vous en êtes le garant Monsieur le Ministre.

  • Sébastien Barles (conseiller municipal de Marseille, porte parole régional d’EELV)
  • Frédéric Dutoit (conseiller municipal de Marseille, président du groupe Front de Gauche, ex député Maire des quartiers nord de Marseille)
  • Michèle Rivasi (députée européenne)