[S·EAU·S 5/16] L’eau potable
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La pénurie commence

Une question majeure préoccupe les habitant·e·s de notre région : continuerons-nous à avoir de l’eau potable demain ? Les arrêtés sécheresse limitant l’usage de l’eau se généralisent ces dernières années et arrivent de plus en plus tôt. Comment préserver la ressource et la partager entre tous ?

Contexte

Nous avons vu avec les sécheresses des dernières années des secteurs critiques pour l’alimentation en eau potable : Bassin de l’Huveaune (St Zacharie), communes du pays de Fayence ou même de la Roya-Bevera, dans les Alpes-Maritimes. Les arrêtés sécheresse de plus en plus nombreux, arrivent de plus en plus tôt, en février 2023 pour le Gapeau.

La capacité de production d’eau potable de la Région est de + de 2 milliards de m3. Notre Région a globalement un besoin de 750 millions de m3 annuel pour l’alimentation en Eau potable (environ 50 % donc). Les autres usages sont l’irrigation agricole, l’utilisation par l’industrie et l’hydroélectricité. S’il n’y a pas de risque de pénurie à moyen terme, cette eau est inégalement répartie sur le territoire avec une tendance à l’augmentation des besoins d’une part, pour l’urbanisation et l’agriculture ; de diminution de la ressource d’autre part en raison du dérèglement climatique. Les ressources locales sont fragiles et menacées par les pollutions diverses, la salinité, la turbidité…

L’eau servant à l’alimentation des habitants de la Région provient de deux sources principales 

  • Les ressources locales : nappes d’origine karstique ou nappes alluviales, eau de provenance pluviale ou nivale : les départements du massif alpin sont couverts essentiellement par la ressource locale. 
  • Les transferts d’eau provenant essentiellement du système Durance-Verdon (60 % des usages) ou Vesubie-Var pour les Alpes-Maritimes, vers les zones littorales qui sont pauvres en eau alors que l’urbanisation et l’affluence touristique y sont particulièrement développées. 

NB : Le Rhône constitue un potentiel discuté. Il représente près de 4 fois l’ensemble des autres ressources superficielles de la région, mais sa qualité peut en limiter l’usage. 

Malgré un bilan excédentaire entre la ressource théoriquement disponible et les volumes utilisés, la situation est critique pour certains territoires, notamment côtiers. La démographie et l’urbanisation croissantes, l’attractivité toujours plus forte, le changement climatique contribuent à fragiliser les équilibres

https://www.gesteau.fr/sites/default/files/20170620_deroremav17partie2_partie1.pdf

Il faut d’abord préserver les ressources locales

Protéger la ressource, c’est s’assurer de l’état des captages, des pollutions diverses, du périmètre de protection, de l’assèchement …

La ressource locale étant «gratuite» par rapport à l’eau achetée à la Société du Canal de Provence on a eu tendance à tirer sur cette ressource, notamment en été…

Là où des gisements importants existent, il faut veiller à préserver la ressource souterraine et éviter les pollutions : (Mazaugues. Fonsante)

De plus, l’industrie des eaux minérales et boissons gazeuses de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur – Beaupré, Ste Beaume, Cristaline (Cairanne), Montclar, Châteauneuf de Gadagne (soda), 808 Mineral Water (pays d’Aix) bénéficient d’autorisations données pour des prélèvements sur des nappes phréatiques profondes, à partir de 700 m. Ces réserves sont un bien commun. Elles ne devraient en aucun cas alimenter des multinationales et positionner la France dans le top 5 mondial des gros consommateurs d’eau minérales ou transformées. La pénurie en eau de PACA devrait entraîner l’arrêt des autorisations (la dernière en date 808 water avril 2019) et même le retrait de celles données. 

L’essentielle sobriété

C’est l’action à développer sur l’ensemble de la région. Là où l’eau coûte peu, le gaspillage est important. Pourtant la sobriété est possible : à titre d’exemple, à Cuers, la consommation a baissé de 10 %. Plusieurs actions sont envisageables : 

 Le prix de l’eau

Rappelons que l’eau est un bien commun. Le prix comprend le pompage , la potabilisation, l’acheminement à nos robinets et l’assainissement après utilisation. Le principe étant que l’Eau doit payer l’Eau, le prix doit couvrir les frais de fonctionnement et les investissements nécessaires. En PACA le prix moyen est bas (1,99 /m3) alors qu’il est de 2,30 en Bretagne par exemple. Comme le financement de l’Etat pour le renouvellement des canalisations diminue et que les coûts de traitement augmentent, le prix de l’Eau risque d’augmenter ces prochaines années, quelque soit le mode de gestion public ou privé. 

La tarification progressive est sujette à controverses : des études montrent que le prix de l’eau étant faible, la surfacturation a peu d’effet. Elle est, d’autre part, difficile à mettre en œuvre, particulièrement dans les zones de fortes résidences secondaires qu’il faudrait être capable de différencier des habitats permanents.

Cependant, il est notable que les compteurs collectifs qui existent dans certains villages conduisent à un gaspillage de l’eau (deux fois plus de consommation, avec des pratiques anciennes consistant à » faire couler l’eau » pour qu’elle ne gèle pas). L’individualisation des compteurs s’impose alors

– Des obligations constructives
Par exemple, toutes les nouvelles installations devraient être équipées de récupérateur d’eau, voire de toilettes sèches, lorsque c’est possible. Cela peut conduire à 50% d’économie d’eau sanitaire.

 La sensibilisation des habitants

– Le bon état des conduites
75 % de rendement en PACA signifie que sur les 750 millions de m3 produits, 150 millions se perdent dans les fuites des réseaux. L’investissement / renouvellement des canalisations doit être programmé. 

Le bon usage de l’Eau
la majeure partie de l’eau potable produite sert à des usages autres qu’alimentaires : sanitaires, arrosage jardins, etc .. Par exemple : 3 millions de m3 sont destinés à la production de neige de culture.

Des expérimentations de réutilisation des eaux pour des usages définis sont en cours et devraient conduire à des modifications des contraintes fixées par l’agence régionale de la sante. Cependant, en milieu méditerranéen, les eaux provenant des stations d’épuration sont relarguées dans les cours d’eau pour soutenir leur débit. Des arbitrages sont donc nécessaires.

Le système Durance-Verdon

En Provence-Alpes-Côte d’Azur, 3 millions d’habitants (sur 5 millions au total) sont alimentés en eau potable par le bassin versant de la Durance et de son affluent, le Verdon. Il est distribué à partir des retenues d’eau de Serre – Ponçon : 1, 3 milliard m3 de capacité de stockage / Ste – Croix : 767 millions m3 / Castillon : 149 millions m3 / Esparron : 8 millions m3

Autres retenues d’eau St Cassien : 60 millions (alimentation Siagne et connexion Verdon) / Bimont : 25 millions (Verdon, Ste Victoire) Carcès : 8 millions (alimentation Issole / Caramy) 

L’enjeu : quel partage de l’Eau entre les différents usages ?

L’établissement public de la Société du Canal de Provence (SCP) a été créé au départ avec pour objectif majeur l’irrigation des territoires pour l’agriculture. On a sans cesse et encore aujourd’hui augmenté les surfaces irriguées. Avec le dérèglement climatique, le besoin en eau agricole s’accroît, y compris pour des cultures jusque là peu consommatrices : vignes, oliviers, amandiers ou figuiers. 

Actions possibles : évolution des pratiques agricoles, limitation de l’extension du réseau SCP, taxation de l’Eau agricole, réutilisation des eaux usées pour l’irrigation. 

Par ailleurs les besoins pour alimenter les populations en Eau potable s’accroissent avec un développement du réseau (vers l’Est de la Région et l’arrière pays) Toutes les communes du Sud PACA veulent être raccordées pour sécuriser la ressource. Cet usage devient prioritaire.

Enfin, quid des autres usages de cette eau : importance de l’hydro electricité (¼ de la production nationale et 4 millions d’habitants en énergie – voir fiche ad’hoc) et du tourisme (voir nos combats contre les golfs ou l’extension des stations de ski – voir fiche ad’hoc) 

La SCP annonçant une baisse prévisible de 20 % de la ressource d’ici la fin du siècle, l’objectif prioritaire est bien de toute façon de limiter les besoins globaux par habitant. 

Les conflits d’usage vont se multiplier. Certains sont déjà patents : par exemple : Les habitant·es du Champsaur vivent mal les épisodes de sécheresse qu’ils supportent, car l’une de leurs sources principales, la rivière du Drac, sert à alimenter en eau potable la ville de Gap, en contrebas, et à irriguer quelques 4 500 hectares du bassin gapençais. 

L’eau souterraine, patrimoine à exploiter ?

Vu les alertes de plus en plus fréquentes, les communes, intercommunalités et départements sont de plus en plus enclins à considérer les aquifères locaux pour se doter de nouvelles ressources. Forer plus profond, dans les nappes souterraines telles la Ste Baume par exemple (cf : Etude du Parc Naturel Rgional) Notre région qui a privilégié globalement les transferts d’eau de surface peut être tentée de renforcer l’utilisation des eaux souterraines, tout au moins celles qui ne sont pas polluées … 

Nos propositions

  • Augmenter les périmètres de protection des captages. Étudier l’impact de chaque projet sur les nappes souterraines captives ;
  • Généraliser les compteurs individuels – Tarification progressive ; selon la consommation / aide à la récupération des eaux pluviales (Citernes) – campagne incitative aux économies d’eau – ;
  • Stations d’épuration : favoriser la réutilisation des eaux usées pour les espaces verts et l’irrigation, quand l’alimentation des rivières par les eaux produites n’est pas nécessaire ;
  • Réserver strictement l’utilisation de l’eau potable à l’alimentation des populations : combattre les projets les plus consommateurs (golfs, neige artificielle) 
  • Stopper la privatisation des nappes phréatiques profondes par l’industrie des eaux minérales et boissons gazeuses.