[S·EAU·S 10/16] Les zones humides
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Épargner grenouilles, carpes, libellules …

« C’est un marais dont l’eau dormante
                                    Croupit, couverte d’une mante
Par les nénuphars et les joncs :
Chaque bruit sous leurs nappes glauques
Fait au chœur des grenouilles rauques » 

Théophile Gautier

Berceaux de la diversité biologique, les zones humides fournissent l’eau et les aliments à d’innombrables espèces de plantes et d’animaux. Elles sont vitales pour la survie de l’humanité et sont parmi les milieux les plus productifs de la planète. 72 % d’entre elles font l’objet d’atteintes sérieuses. Que faire pour les préserver ?

Contexte

Les milieux humides c’est quoi ? 

Les milieux humides – terrains habituellement inondés ou gorgés d’eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire – sont des territoires où l’eau est le principal facteur déterminant l’environnement et la vie végétale et animale associée. Ces milieux rendent de nombreux services à l’Homme.

Les milieux humides – terrains habituellement inondés ou gorgés d’eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire – sont des territoires où l’eau est le principal facteur déterminant l’environnement et la vie végétale et animale associée. Ces milieux rendent de nombreux services à l’Homme.

La Région Provence-Alpes-Côte d’Azur compte 4 700 zones humides dont 645 se situent dans le Var, 72 % d’entre elles font l’objet d’atteintes sérieuses. 

En PACA les cours d’eau accueillent de nombreuses espèces endémiques et emblématiques. Plusieurs zones humides (terrestres ou lagunaires) du territoire sont reconnues d’importance majeure au niveau national voire international. Leur préservation constitue un capital pour le développement du territoire .

3 fonctions majeures des milieux humides

Les mécanismes des milieux humides sont spécifiques, largement liés à l’eau et à sa dynamique. L’eau façonne ces espaces, y apporte des matières minérales ou organiques et y favorise l’explosion de la vie. Les milieux humides, de leur côté, influent grandement sur les cycles de l’eau et des matières qu’elle véhicule : ils jouent un rôle de « tampon » et de « filtre » particulièrement important. Quelques grands processus déterminent le fonctionnement des milieux humides, et les services rendus à la société.

3 fonctions majeures :

  • Fonction hydrologique : les milieux humides sont des « éponges naturelles » qui reçoivent de l’eau, la stockent et la restituent. (-> atténuation des crues, soutien d’étiage…)
  • Fonction physique : ils sont aussi des « filtres naturels », les « reins » des bassins versants qui reçoivent des matières minérales et organiques, les emmagasinent, les transforment et/ou les retournent à l’environnement : épuration de l’eau, atténuation de la pollution. Les milieux humides protègent les berges, les rivages de l’érosion, et les côtes des tempêtes.
  • Fonction biologique : les conditions hydrologiques et chimiques permettent un développement extraordinaire de la vie dans les milieux humides. Ce sont des écosystèmes extrêmement productifs, des réservoirs de biodiversité. Ils présentent une mosaïque d’habitats variés et favorisent ainsi la présence d’un grand nombre d’espèces animales et végétales. En stockant le carbone, ils jouent un rôle dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Pourquoi les zones humides sont des milieux en danger ?

Les milieux humides connaissent depuis quelques décennies une diminution drastique de leurs surfaces : disparition de 50% de leur surface entre 1960 et 1990. Ces phénomènes de destruction et de dégradation perdurent encore aujourd’hui, en dépit de la prise de conscience de la valeur de ces milieux et de la mobilisation pour leur protection. Des sites vastes et prestigieux ont totalement disparu, tel le marais des Echets au nord de Lyon, mis en culture et touché par la pression urbaine.

Les milieux humides qui subsistent connaissent souvent une dégradation de leur qualité : assèchement progressif, perturbation de la végétation… et on se trouve face à des espèces animales ou végétales qui ne supportent plus leur nouvel environnement.

Des menaces existent toujours sur les zones humides en raison de l’urbanisation, de l’intensification de l’agriculture ou encore des pollutions. La pollution de l’eau et la charge de matières provenant du ruissellement des engrais sont parmi les plus grands problèmes. Les activités humaines qui entraînent la disparition des zones humides sont multiples : drainage et remblaiement pour l’agriculture, développement de l’urbanisation, pollution, surpêche, surexploitation des ressources, prélèvements d’eau, extraction de matériaux, aménagement des cours d’eau, changements climatiques…

Les milieux humides font face à une menace apparemment « naturelle », celle des espèces exotiques envahissantes qui se développent lorsqu’un déséquilibre intervient comme la Jussie rampante et la Jussie à grandes fleurs, plantes herbacées aquatiques enracinées immergées ou émergées pouvant former des herbiers denses presque impénétrables. Leur croissance est très rapide, elles entrent en compétition avec la flore locale et sont délaissées par les herbivores. La jussie rampante est classée « majeure » en terme de risques car sa prolifération rapide et sa dangerosité potentielle pour la santé animale, végétale ou celle de l’environnement. On comptabilise 27 autres espèces en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Il n’existe pas de moyen spécifique de lutte contre cette plante mais un ensemble de pratiques complémentaires.

Augmentation de la température des rivières

Les effets prévus du changement climatique sur tous les plans d’eau méditerranéens incluent, entre autres, la baisse des niveaux d’eau et une détérioration de la qualité de l’eau. D’après une étude récente réalisée à l’échelle européenne, la température des cours d’eau de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur devrait augmenter de +2 à +3 °C d’ici la fin du siècle par rapport à la période 1971- 2000. Pour les cours d’eau où les bas débits coïncident avec la période estivale, comme c’est le cas pour les cours d’eau méditerranéens, un quart de l’augmentation prévue de la température serait dû à la réduction des débits. 

En témoigne la disparition des écrevisses à pattes blanches, conséquence de l’impact de la sécheresse sur la biodiversité des rivières. Une surmortalité à l’été 2022 des écrevisses à pattes blanches sur tout le territoire national a été constatée et notamment dans les Alpes-de-Haute-Provence. Cette espèce méconnue a pourtant un rôle essentiel. elle vit dans des cours d’eau frais et bien oxygénés, dans peu de profondeur. Elle est fragile car très sensible à la pollution et aux fortes augmentations de température. Sa présence ou sa disparition est un indicateur de la qualité d’un cours d’eau. L’écrevisse à pattes blanches est sur la liste rouge des espèces mondiales en danger.

Chaque mètre carré compte ! 

Concernant les enjeux de la biodiversité, la situation des zones humides « ordinaires », n’a pas fait l’objet d’autant d’attention que celle des zones considérées comme « remarquables ». La superficie même de ces petites zones humides est encore mal connue à l’échelle nationale. Souvent, leur destruction et dégradation sont ressenties comme étant sans conséquence importante sur l’environnement.

Pourtant, c’est l’effet cumulé de la dégradation de ces zones humides, notamment les prairies, les landes et les tourbières, à l’échelle d’un sous bassin ou d’un bassin versant qui engendre des conséquences graves. Le drainage, le busage, le remblaiement ou encore la mise en culture de ces petites zones humides, généralement situées en tête de bassin hydrographique, modifient profondément les régimes d’écoulement des cours d’eau, accroissent les phénomènes de crues soudaines, d’érosion des sols, accélèrent le transport des matières de substances toxiques.

Agir pour préserver les zones humides

Une dynamique en faveur des zones humides est observée depuis plusieurs années, avec notamment

– le renforcement des mesures de protection et de gestion dans le cadre de Natura 2000[1] (réseau européen de sites naturels destiné à protéger des espèces et des habitats remarquables tout en maintenant des activités socio-économiques).

– le SDAGE 2022-2027 (schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux) qui a pour ambition de conforter la gestion des zones humides à l’échelle des sous bassins versants et prévoit des orientations et dispositions favorables aux zones humides ou aux têtes de bassin.

– le 4° Plan National en faveur des Milieux Humides (2022 – 2026) dans lequel l’État s’engage à restaurer 50 000 ha de zones humides d’ici 2026, à acquérir 8 500 ha de zones humides et à créer de nouvelles aires protégées dont un douzième parc national dédié aux zones humides.

– La région Sud développe plusieurs outils pour la mise en place de la politique régionale PACA dans le domaine de l’eau dont la charte régionale de l’eau et la préservation de la biodiversité aquatique (la restauration physique et morphologique des cours d’eau et la réduction du risque inondation, la biodiversité aquatique, la restauration de la trame bleue et les zones humides,…).

Mais seuls 6% des habitats humides naturels d’intérêt communautaire sont dans un état de conservation favorable. L’état de milliers de milieux humides « ordinaires » est mal connu, alors que l’effet cumulé de leur dégradation à l’échelle d’un bassin versant engendre des conséquences graves, en particulier pour la qualité et la quantité de la ressource en eau.

Une fois que l’on a compris les intérêts des zones humides, pris conscience des menaces pesant encore sur elles, que l’on a identifié une zone humide nous concernant de près ou de loin et que l’on s’est assuré de respecter la réglementation, ou que l’on souhaite porter le message de la nécessité de préserver et restaurer les zones humides, on peut agir …

[1]      Le Réseau Natura 2000 regroupe, dans l’ensemble des pays de l’Union européenne, un ensemble d’aires protégées https://fr.wikipedia.org/wiki/Natura_2000_en_France

Nos propositions

  • Renforcer la mobilisation pour la protection des milieux humides ;
  • Stopper leur destruction et leur assèchement ;
  • Faire de la biodiversité un enjeu positif pour les décideurs ;
  • Mettre en cohérence les politiques publiques et la réalité du terrain concernant la gestion de tous les milieux humides, et pas uniquement « ceux qui sont remarquables »
  • Adopter des techniques de culture pour retenir l’eau dans les sols ;
  • Renforcer efficacement les initiatives dans le domaine de la biodiversité et de la protection de l’eau.

Sources & ressources