Inondations : on bétonne et on s’étonne !
Notre région est championne de l’urbanisation. Comment y donner un coup de frein ? Comment retrouver le sens du temps long et de l’aménagement du territoire prenant en compte les générations futures ?
Contexte
En région Provence-Alpes-Côte d’Azur, l’artificialisation des surfaces au regard de la croissance de la population est particulièrement rapide par rapport aux autres régions métropolitaines.
Cette augmentation des surfaces imperméables empêche d’absorber une partie des eaux de pluie qui s’infiltrent normalement dans le sol et aggravent les ruissellements. En parallèle, le changement climatique sur nos territoires se traduit aujourd’hui par des épisodes de crues à la fois plus intenses et plus fréquents. Si les sols et les rivières ont la capacité d’absorber une partie des crues, l’imperméabilisation liée à la bétonisation massive empêche ce phénomène naturel.
À cela s’ajoute l’enjeu du ruissellement qui vient intensifier ces crues. En effet, si les terres en amont ou en bordure des fleuves et rivières, sont artificialisées, l’eau qui aurait dû être absorbée initialement vient gonfler la crue en provoquant des catastrophes évitables.
Une région championne de l’artificialisation
Parmi les 10 départements où la surface artificialisée du sol a le plus augmenté en hectares de 1990 à 2018, trois se situent en effet en Provence-Alpes-Côte d’Azur
- Bouches-du-Rhône, + 21 000 ha artificialisés,
- Var, + 19 300,
- Alpes-Maritimes, + 14 300
- Alpes-de-Haute-Provence et Hautes-Alpes montent sur le podium des départements où l’artificialisation des sols a le plus augmenté en pourcentage. Elle a presque doublé : + 96 % dans le premier et + 83 % pour le second.
Le mouvement est particulièrement rapide autour d’Aix-en-Provence, de Toulon, dans le moyen Pays des Alpes-Maritimes et de façon diffuse dans l’ensemble du Vaucluse.
Un manque de planification stratégique
Les documents d’urbanisme tels que les SCoT (schéma de cohérence territorial) et les PLU (plans locaux d’urbanisme) ont pour but de déterminer l’ouverture des zones à l’urbanisation (qui est la source principale d’imperméabilisation). Ils permettent d’orienter l’urbanisation sur des secteurs ciblés : zones déjà imperméabilisées, zones moins sensibles à l’imperméabilisation des sols, etc.
La disponibilité de la ressource en eau pour l’alimentation des habitants ou futurs habitants n’est, dans certains secteurs de Provence-Alpes-Côte d’Azur, plus suffisante pour de nouveaux habitants, élément primordial à prendre en compte dans les PLU.
De plus en plus récurrents, les phénomènes d’inondations qui ont affecté le territoire régional ces dernières années témoignent d’une absence de réflexion et de planification sur le long terme. Une stratégie d’adaptation des villes et de sensibilisation des populations aux risques aurait permis d’éviter l’artificialisation de sites non conformes, de limiter l’impact de ces aménagements sur l’écoulement des eaux pluviales et, par la même, des graves dégâts économiques et humains.
Une vision à plus long terme de l’aménagement du territoire conduirait à évaluer l’intérêt de préserver voire de prévoir des zones d’expansion des crues ou la remise en place de restanques qui permettent de retenir la bonne terre et l’eau, propices aux plantations, ce qui serait impossible dans une pente. En effet, dans les pentes, la terre se ravine et dégringole peu à peu dans les vallées au gré des pluies et des orages violents. Les zones pentues sont donc très souvent caillouteuses et peu fertiles, assez impropres aux cultures et aux plantations puisque toute la bonne terre fine et les éléments nutritifs ont été lessivés en aval.
L’irresponsabilité de certains élu-es dans la gestion des risques naturels
La responsabilité et l’impunité des élus qui encouragent cette bétonisation débridée doit être prise au sérieux. Les permis accordés et les ouvertures à l’urbanisation en zones d’expansions de crue, et plus globalement sur les terres naturelles et agricoles, contribuent fortement à la mise en danger de la vie des citoyens et à la dégradation de l’environnement. Une vision écologiste de l’aménagement et de l’urbanisation s’impose !
Nos propositions
- Produire urgemment un inventaire des zones à risques où les règles d’urbanisme n’ont pas été respectées
- Penser la ville et son insertion dans le bassin versant (c’est ce que permettent les SCOT, par exemple)
- Limiter l’imperméabilisation nouvelle des sols, en réduisant drastiquement l’ouverture à l’urbanisation de nouvelles surfaces
- Et donc, appliquer la loi ZAN de juillet 2023 qui vise à lutter contre l’artificialisation des sols et renforcer l’accompagnement des élus locaux ; en particulier leur donner accès à une dotation en fonctionnement si elles s’engagent à densifier les zones sous-denses. En effet, beaucoup de petites communes n’ont pas, en interne, les compétences nécessaires pour monter des projets en concertation avec la population locale. Cette dotation leur permettrait de gagner en compétence.
- Placer les «infrastructures vertes (et bleues)» au cœur de chaque nouveau projet d’aménagement, dans une logique de renforcement du potentiel d’infiltration de l’eau dans le sol. Accepter la mise en place d’identité juridique donnée à ces milieux (cf. Arc fleuve vivant)
- Sanctuariser des bandes inconstructibles de part et d’autre des axes d’écoulements naturels, vallons et cours d’eau
- Identifier dans les documents d’urbanisme et acquérir les zones naturelles inondables (zones d’expansion de crues) pour leur protection
- Désimperméabiliser l’existant par un travail très fin d’identification dans les documents d’urbanisme des surfaces actuellement artificialisées à désimperméabiliser en priorité.
- Favoriser l’utilisation de matériaux et de surfaces perméables pour les nouvelles surfaces artificialisées (ex. parkings)
- Rendre progressivement obligatoire la mise en place de systèmes de récupération naturelle de l’eau (bassins collecteurs ou zones d’expansion de crues, citernes destinées à récupérer les eaux de pluie pour l’arrosage des jardins…)
Sources & ressources
- Portail de l’artificialisation des sols
- Commission européenne : «Lignes directrices concernant les meilleures pratiques pour limiter, atténuer ou compenser l’imperméabilisation des sols »
- Guide du SDAGE Vers la Ville perméable comment désimperméabiliser les sols
- L’expérimentation BIMBY est une démarche d’urbanisme encadrée permettant de favoriser la densification de secteurs pavillonnaires, en mobilisant l’initiative privée. https://blog.elueslocales.fr/wp-content/uploads/2021/05/essentiel-bimby.pdf
- FNE PACA, actualité 2019 : INONDATIONS : ON BÉTONNE ET ON S’ÉTONNE ! https://fne.asso.fr/actualites/inondations-on-betonne-et-on-s-etonne
- Le Parisien, 2019, Inondations dans le sud de la France : la «soif de construire» mise en accusation, https://www.leparisien.fr/societe/inondations-dans-le-sud-de-la-france-la-soif-de-construire-mise-en-accusation-25-11-2019-8201775.php
- SCHÉMA RÉGIONAL D’AMÉNAGEMENT, DE DÉVELOPPEMENT DURABLE ET D’ÉGALITÉ DES TERRITOIRES (SRADDET), PACA, FASCICULE DES RÈGLES, 2019, https://connaissance-territoire.maregionsud.fr/fileadmin/user_upload/Pages_SRADDET/Pages_Schema/Sraddet_2020_09/SRADDET_SUD_02_Fascicule.pdf
- INSEE, Une consommation foncière deux fois plus rapide que l’évolution démographique, 2016 https://www.insee.fr/fr/statistiques/2501732