L’appauvrissement de mare nostrum
En 2022, des augmentations de +6°c par rapport à la moyenne, ont été relevées en Méditerranée. Cela a un effet dévastateur sur les espèces marines endémiques, sur les écosystèmes et sur la pêche. Or la Méditerranée constitue l’un des réservoirs majeurs de la biodiversité marine et côtière. Que faire contre toutes les pollutions venant de la terre (ruissellements urbains, résidus médicamenteux, plastiques, contaminants chimiques…) et de la mer (pollutions des navires et accidents) ?
Contexte
La Méditerranée accueille dans ses eaux entre 10 000 et 12 000 espèces marines, dont 25 % sont endémiques. Les organismes menacés par l’acidification corrélative des eaux sont très nombreux : mollusques, crustacés, coraux, diatomées. Arrivent également des migrations d’espèces invasives en provenance du canal de Suez, comme les poissons brouteurs qui menacent la flore et à terme la faune, ou les crabes bleus dans le golfe du Lion qui s’attaquent aux anguilles
Sans compter que, plus la mer se réchauffe, moins elle peut absorber de gaz à effet de serre et plus les phénomènes climatiques extrêmes seront nombreux (voir fiche – submersion marine)
Un exemple très complet des atteintes à la Méditerranée : dans la zone Marseille-Cassis-La Ciotat la pollution et un gigantesque gaspillage d’eau douce par les eaux usées non recyclées apportent jusqu’à 300 000 m3 d’eau douce par jour. Aucune erreur : c’est bien jusqu’à 300 000 m3 par jour une grande partie de l’année, et au minimum 250 000 m3 par jour d’eaux usées non recyclées et rejetées dans le Parc national des Calanques. Et ce, même en période de sécheresse quand les agriculteurs locaux sont soumis à des quotas de rationnement d’eau.
Bien que la pollution soit niée par les autorités, la preuve qu’elle existe est qu’il a été plusieurs fois proposé de prolonger l’émissaire du principal effluent, celui de Marseille-Cortiou, sur les fonds marins pour rejeter les eaux au large, en s’ajoutant ainsi à l’immense nappe de boues rouges déversées par l’usine d’alumine de Gardanne !
Non seulement le pouvoir auto-épurateur de l’eau de mer n’est pas infini, mais l’eau de Cortiou, bien que nettement moins opaque, est très chargée en polluants dont plusieurs non biodégradables, appelés éternels. En 2014, le Professeur Henry Augier a identifié à Cortiou une liste impressionnante de polluants éternels : les polychlorobiphényles, aussi appelés biphényles polychlorés, ou encore parfois improprement dits « pyralènes » (PCB), du cadmium, argent, mercure, détergents, produits pharmaceutiques, perturbateurs endocriniens. Il n’a jamais été démenti durant 20 ans.
L’indispensable recyclage des énormes rejets d’eaux usées de Cortiou ne concerne pas seulement la Ville de Marseille qui a créé cet ouvrage plus que centenaire, mais 18 communes qui utilisent ce « Grand Collecteur ».
En 2017, une opération fort médiatisée, très coûteuse et complètement aberrante, baptisée REXCOR, a consisté à immerger à proximité de l’émissaire de Cortiou … des récifs artificiels, qui auraient été bienvenus ailleurs. Des poissons s’y installent… dans une eau polluée ! Cet argent aurait été mieux employé à co-financer l’équipement de finition et recyclage qui manque à la STEP de Marseille-Métropole dont les rejets aboutissent à Cortiou. afin de fermer définitivement l’émissaire !
Une situation de plus en plus chaude et des pollutions de plus en plus diverses
Classiquement, on dénombre plusieurs grandes catégories de pollution : les pollutions physiques, les pollutions chimiques classiques, les pollutions organiques, les pollutions par les phytoplanctons toxiques, les pollutions émergentes, les macrodéchets et les invasions biologiques marines, les pollutions imputables au trafic maritime.
Dans le cadre des travaux d’élaboration du contrat de la baie de Toulon, une étude réalisée par l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse sur les flux polluants terrestres a montré que les apports annuels à la mer de matière en suspension résultaient :
- pour 14 % des stations d’épuration ;
- pour 5 % des zones portuaires ;
- pour 39 % des rejets industriels ;
- et pour 42 % des ruissellements urbains des bassins versants.
La goélette Tara a remonté le Rhône depuis la mer Méditerranée jusqu’à Lyon. Des prélèvements effectués à la hauteur d’Avignon, Valence et Lyon ont montré que 80% de la pollution marine provient des fleuves et des rivières.
Cependant, si le principal apport de contaminants chimiques est lié aux déversements des réseaux hydrographiques, les effets de la pollution atmosphérique beaucoup plus diffuse et moins contrôlable, ne sont pas négligeables sur la pollution de la mer.
Les résidus médicamenteux en zone littorale
Des substances pharmaceutiques sont régulièrement rejetées dans l’environnement. Issues des eaux usées, elles se retrouvent en mer au contact des organismes et peuvent être responsables de diverses contaminations environnementales. Ces molécules peuvent agir directement sur la reproduction des individus aquatiques, ainsi que sur les capacités de résistances des bactéries.
Une étude menée par le Conseil Scientifique des Îles de Leirins a montré que le diclofénac et l’ibuprofène se trouvaient dans les chairs et foies des poissons dans des concentrations dépassant les seuils de quantification.
Les pollutions plastiques
En Méditerranée, la libération du plastique devient de plus en plus problématique car les concentrations de microplastiques atteignent des niveaux records : 1,25 millions de fragments par kilomètres carrés. Cette tendance s’accentue chaque été avec l’arrivée massive de touristes. Selon un rapport du WWF, la concentration de plastique est quatre fois plus élevée que dans l’ »île de plastique », plus communément appelé le 7e continent. Ce qui ferait de la Méditerranée la mer la plus polluée du monde.
Une étude menée dans la baie de Cannes confirme que les matières plastiques sont transférées de l’eau de mer dans la chair des moules comestibles, ce qui constitue une menace pour la sécurité alimentaire des hommes et des poissons.
Les demandes de la fondation Tara Océan : améliorer la collecte et le recyclage, réduire les plastiques jetables à usage unique, réduire le nombre de résines et produits chimiques ajoutés, réinventer l’emballage pour éliminer le polystyrène toxique, réinstaurer la consigne sur les bouteilles PET (polymère de synthèse recyclable), obtenir un Traité plastique à l’Organisation des Nations unies (ONU).
Les contaminants chimiques traditionnels
La toxicité de certaines molécules est avérée à des doses très faibles. Par exemple, le tributylétain, employé dans la composition de la peinture antifouling protégeant les coques des navires est mortel pour les huîtres à une dose de 20 ng/l et pour le naissain à une dose de 2 ng/l.
De plus, ces molécules, et en particulier les polluants organiques persistants, sont lipophiles, bioaccumulables et s’amoncellent au fur et à mesure que l’on remonte la chaîne trophique. Par exemple, on a pu mesurer sur le merlu des concentrations de PCB jusqu’à un million de fois plus fortes que celles des eaux de prise.
Les macrodéchets : pneus, bicyclettes… Il suffit de voir le nettoyage annuel du Vieux Port de Marseille pour comprendre comment la mer peut être prise pour une décharge
Les pollutions par les navires
La nature des pollutions engendrées par le trafic maritime est multiple : produits chimiques liquides ou en colis, eaux usées, déchets solides, eaux de ballast, pollutions par les hydrocarbures. Récemment, grâce à France Nature Environnement, 2 « délinquants des mers » ont été condamnés à des amendes. Le premier, avait rejeté, devant le Muceem, 180 litres de gazole, vidange sauvage, à la nuit tombée. Il ne s’est pas présenté à son procès, montrant l’intérêt qu’il porte au milieu marin. Dans un dossier portant sur une pollution au soufre, un autre capitaine a été condamné pour avoir utilisé un combustible dont la teneur en soufre était supérieure aux normes autorisées.
Aujourd’hui, la question des scrubbers se pose. Les armateurs installent ces filtres dans les cheminées des navires pour diminuer les émissions de soufre par un système de lavage à l’eau de mer. Mais les boues sont rejetées en mer, déplaçant ainsi la pollution.
Les pollutions accidentelles
L’industriel Kem One a été condamné à payer 50.000 euros d’amende pour avoir rejeté à la mer 470 tonnes de chlorure ferrique. Cette pollution avait provoqué la mort de nombreux poissons et algues.
Nos propositions
- Informer et communiquer largement : la mer est un milieu vivant à connaître et protéger.
- Encourager les classes à s’inscrire dans la dynamique des « écoles bleues européennes »
- Respecter l’objectif d’avoir 30 % d’aires marines protégées, et strictes. Trop d’aires marines protégées (AMP) sont considérées comme des AMP “de papier”, sans cadre de gestion effectif.
- Limiter au maximum les rejets des eaux polluées terrestres en mer et, donc, mettre en place des stations d’épuration des eaux (STEP). Ces centres de traitement ont a deux missions bien distinctes : la première, recycler les eaux usées en éliminant les polluants avant leur rejet dans la nature et la seconde rendre les eaux naturelles propres et sans danger pour la consommation humaine. Prévoir des STEP de bonne qualité avec des coupures vertes et des bassins d’orages.
- Soutenir les innovations en matière de dépollution.
- Agir sur la collecte de déchets.
- Agir pour que les métropoles, villes ou villages côtiers de la Méditerranée prennent des mesures pour que les déchets qui se retrouvent dans les caniveaux, le long des rues, routes, chemins ou autoroutes, par incivilité ou transportés par le vent soient stoppés avant la mer en cas de pluie. 1 mégot pollue 500 litres d’eau pour dix ans ! Comme première solution, dans le centre-ville de Toulon, des plaques « ne rien jeter, ne rien vider, la mer commence ici, » ont été scellées à côté des bouches d’égouts, suite à la campagne de EELV pour les élections municipales de « Toulon en Commun ». Elles ont fait des émules à La Seyne-sur-Mer, Saint-Mandrier et Fuveau…
- Développer les coopérations Nord-Sud, soutenir MedEcc – The Mediterranean Experts on Climate and environmental Change
- Supprimer le chalutage au profit des pêcheurs artisans
- Réguler le tourisme maritime et de croisières
Sources & ressources
- https://www.ouest-france.fr/environnement/rechauffement-climatique/la-temperature-des-oceans-a-atteint-des-niveaux-records-en-2022-voici-ce-que-cela-peut-provoquer-f334a43e-9818-11ed-b3d5-273349710fc9
- Acidification des océans : définition
- Écho des Calanques, Flash info n°12, Bulletins n°70, 64, 60, 58 . Bulletin de l’association marseillaise Union Calanques Littoral qui est à l’origine du Parc national des Calanques, et qui est présidée par le Professeur Henry Augier, ancien directeur du Laboratoire de biologie marine de la Faculté des Sciences de Marseille, professeur honoraire de l’École nationale des Travaux publics.
- Site officiel de la gestion des eaux de la Métropole de Marseille
- Site officiel de la SERAMM, société des eaux de Marseille
- Site officiel de la Ville de Marseille.
- Parc national des Calanques, 17-11-2017
- 80% de la pollution marine provient des fleuves« , la goélette Tara fait étape à Lyon pour étudier le Rhône
- La pollution de la Méditerranée : état et perspectives à l’horizon 2030
- https://www.senat.fr/rap/r10-652/r10-65213.html
- Conseil scientifique des Îles de Lérins
- https://www.nationalgeographic.fr/environnement/2020/06/la-mediterranee-mer-la-plus-polluee-du-monde
- Les microplastiques contaminent fruits de mer, poissons et sels
- L’usine Kem One de Lavéra condamnée à 50.000 euros d’amende pour avoir pollué la Méditerranée