[S·EAU·S 7/16] L’eau et le tourisme
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Des impacts à maîtriser

Tandis qu’un Français consomme en moyenne 148 litres d’eau par jour, son utilisation passe à 230 litres d’eau par jour en vacances, selon le Centre d’information sur l’eau. Comment éviter la détérioration des milieux humides ? Comment réduire la pression sur les ressources en eau (eau potable, golf, piscine…) ? Nous évoquons également, ici, l’impact des croisières.

Contexte

Le tourisme et les activités de loisirs ont deux conséquences

La pression sur les ressources en eau potable

11 millions de touristes sont venus dans les Alpes-Maritimes en 2023, par exemple.

En montagne, on note également une surconsommation de l’eau accentuée par les stratégies des entreprises qui visent de plus en plus le haut de gamme de la clientèle internationale qui n’a pas pour comportement la sobriété

Certains pratiquent, en sus, le golf, il y en a plus de soixante dans la région (La France compte plus de 600 parcours de golf 9 trous ou plus). Un golf haut de gamme de 18 trous a une consommation moyenne de 5.000 m3 /jour, ce qui correspond à la production nécessaire à la satisfaction des besoins d’une collectivité de 12.000 habitants. Le volume d’eau utilisé par les golfs rustiques est en moyenne de 3.800 m3/ha.

La détérioration des milieux – exemples

• Le bassin des Sorgues et Toulourenc Nord Ventoux dans le Vaucluse

Le tourisme en Vaucluse concernant l’attrait pour l’eau en période estivale se répartit en deux axes : la navigation et la baignade.

La navigation ne concerne que la Sorgue sur sa partie amont entre la résurgence de la Fontaine de Vaucluse et l’Isle sur Sorgue. Elle se pratique sur des canoës et plus récemment avec le padel. À la suite de nombreuses années de déréglementations et de sur fréquentation de la rivière, un compromis a été trouvé entre les deux loueurs de canoës et le Syndicat mixte des Sorgues. Le nombre de canoës a été réduit : 450 à 610 par jour au lieu d’environ 1 000 par jour. Cela améliore la préservation de ce milieu fragile touché également par le changement climatique et la baisse du débit de l’eau.

La baignade, phénomène complexe à maîtriser car il concerne un comportement individuel sur l’ensemble des cours d’eau, Sorgues et Toulourenc compris. La sur fréquentation du Toulourenc depuis une quinzaine d’années, soulève un problème urgent d’atteinte à l’environnement, environ 2 000 personnes par jour, qui conduit à la pollution de l’eau par déjections, crèmes solaires, déchets et provoque la destruction de l’habitat des poissons, sans oublier le stationnement anarchique d’une grande quantité de véhicules autour du hameau de Veaux et St Léger du Ventoux.

Comment en arrive-t-on là ? Le facteur dominant est la communication au travers des réseaux sociaux, de la presse locale, des brochures touristiques qui vantent le pittoresque incontournable de ce bijoux naturel.

Les autres facteurs :

  • Les étés de plus en plus chauds conduisent à la recherche de points d’eau.
  • Le comportement majoritaire des personnes qui fréquentent ce lieu avec une consommation semblable à celle d’un parc de loisir qui entraîne une déresponsabilisation individuelle quant à toute question sur leur impact lié à l’environnement.
  • Un comportement parfois inconscient, irrespectueux et agressif face aux habitants du hameau de Veaux et St. Léger au sujet du stationnement.

Les collectivités peinent à trouver des solutions. Elles pourraient en arriver à la fermeture des gorges, ce qui n’est pas simple sur le plan légal. Comment s’orienter vers un Tourisme de qualité ? Les solutions retenues sont :

  • Stationnement : deux parkings, enrochements, panneaux d’interdiction, patrouilles de la gendarmerie. Prévu : parkings payants, limiter au maximum le nombre d’emplacement.
  • Communication : panneaux explicatifs à l’entrée des gorges, ambassadeurs de biodiversité sur les lieux.
  • La fréquentation est à la fois locale, en provenance des grandes villes du Vaucluse et touristique. Le mode de communication sur le caractère exceptionnel et fragile du lieu doit donc se diversifier entre brochures touristiques et presse locale. L’incitation à la fréquentation ne doit plus être sollicitée.
  • Tous les cours d’eau sont touchés par la problématique de l’accès aux berges, difficilement contrôlable. On n’échappe pas à la question de l’équilibre entre la liberté d’accès et le respect des lieux. Une communication permanente doit s’exercer entre les collectivités et la population.
  • Le changement climatique et le besoin de points de baignade signifient que les collectivités doivent investir dans des projets de construction de piscines collectives pour répondre aux besoins des citadins.

• Les calanques

Jusqu’à 1.200 personnes se sont entassées sur la plage étroite d’En vau : des bateaux, au Cap Croisette à la sortie de Marseille, passaient toutes les 12 secondes ; au total en 2020, le Parc estime avoir reçu quelque trois millions de visiteurs, contre deux à trois millions un an plus tôt.

Cette sur fréquentation crée des phénomènes de piétinement de milieux naturels fragiles et d’érosion. Les ancres des navires détruisent les herbiers de posidonie, sans parler des déchets laissés par les visiteurs et de la dégradation de la qualités des eaux.

Dans un premier temps, des aménagements pour cadrer le cheminement des visiteurs avaient été instaurés, mais ils se sont avérés insuffisants.

Le Parc a alors fait l’expérimentation d’une mesure réglementaire de limitation de la fréquentation estivale dans les calanques de Sugiton et des Pierres tombées, avec mise en place d’un permis de visite gratuit et obligatoire, contrôlé en différents points du site. En cas de non-respect de cette réglementation, les personnes contrôlées doivent s’acquitter d’une amende d’un montant de 68€.

Le plafond est de 400 visiteurs par jour présents ensemble sur les espaces terrestres et balnéaires du site. La réservation des visiteurs se fait via une plateforme dédiée en ligne.

En plus de cette mesure, un suivi scientifique de la flore du site, une enquête sociologique pour mesurer l’appropriation du dispositif et une campagne de communication ont été mis en place, assortis d’une opération de « dé markéting » en ligne pour décourager les touristes de venir. On peut ainsi lire sur le site officiel des Calanques : « Peu de plages, dénuées d’équipements, souvent difficiles d’accès et prises d’assaut durant l’été. ».

La réussite de la première année est telle que les administrateurs du seul parc national périurbain de France, ont décidé, à l’unanimité, de pérenniser l’expérience sur la même zone, jusqu’à l’été 2027

• Le cas des croisières

Dans la publication de son bilan 2023, le Port de Marseille-Fos fait état d’une croissance de 76 % des activités de croisières avec 626 escales et plus de 2,5 millions de passagers. Moins du quart concerne des navires au GNL, moins émetteurs de particules fines.

Ces parcs de loisirs flottants accueillent de 500 à plus de 7 000 passagers.

Ils émettent des particules fines : dioxyde de carbone, oxyde d’azote, oxyde de soufre, dioxyde de soufre déversés dans l’écosystème. Même stationnés au port, ils continuent de polluer car ils ne coupent pas leurs moteurs pour assurer le fonctionnement des équipements de loisirs.

La pollution de l’air qui en découle, contient 20 fois plus de particules fines au voisinage d’un paquebot. Un bateau de croisière expulse la même quantité de soufre que l’équivalent d’un million de voitures par jour. En mer, les teneurs en soufre admises pour les paquebots sont jusqu’à 1 500 fois plus élevées que celles autorisées pour les voitures.

Un navire de croisière arrêté à quai pendant une heure émet autant de pollution qu’environ 30 000 véhicules roulant à 30 km/h. Le fioul lourd utilisé par les paquebots contient 3 000 fois plus de souffre que le diesel automobile.

S’ajoute à la pollution de l’air, celle liée au rejet des eaux usées déversées dans les océans, soient par exemple pour un paquebot de 4 300 passagers, 1,9 millions de litres d’eaux usées soit 442 litres d’eaux usées par personne et par jour. Quant aux déchets solides, on évalue la quantité produite à 19 tonnes par jour, soit environ 4,4 kg par passager.

Le mouvement de contestation contre les ports de croisière a pris de l’ampleur : une action spectaculaire de Stop croisières en juin 2023, une pétition pour interdire les « navires les plus polluants » portée par le Maire de Marseille et signée par plus de 50 000 personnes, une autre pétition pour demander l’interdiction des bateaux de croisière à Ajaccio et une autre encore contre l’escale des « paquebots méga polluants » à Toulon.

Nos propositions

  • Éduquer aux comportements dans la nature, dès l’enfance, développer la culture du fonctionnement naturel.
  • Travailler à une campagne de sensibilisation avec l’ensemble de la profession du tourisme (hôtel, camping…) et définir des mesures pour diminuer la consommation d’eau
  • Canaliser la fréquentation des espaces naturels humides surfréquentés.
  • Prendre en compte la capacité des milieux pour ne pas la dépasser
  • Lancer des études d’impact réalisées à la demande des citoyen
  • Changer les modes de propulsion des navires de croisière, réduire leur taille, leur offrir des branchements électriques à quai
  • Soutenir les professionnels dans leur parcours visant à limiter leur impact sur l’environnement
  • Proscrire dans la nature les sports motorisés, quad et moto, points noirs de la fréquentation, avec des impacts forts et nombreux touchant au patrimoine naturel : érosion, destruction du couvert végétal et dérangement de la faune, détérioration de l’image du site dans son ensemble.

Sources & ressources