[S·EAU·S 4/16] L’eau et la santé
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Alerte rouge

Les conséquences sur la santé des eaux polluées sont de plus en plus répertoriées. La dernière en date a mis en évidence des polluants éternels qui contaminent les milieux et les hommes. Atteint·e·s dans nos chairs, saurons-nous réagir ?

Contexte

Les risques pour la santé

La pollution d’origine microbiologique (présence de parasites, bactéries et / ou virus), peut provoquer des pathologies infectieuses : diarrhée, gastroentérites (avec comme complications la dyspepsie ou l’arthrite réactive, le syndrome de Guillain-Barré et le syndrome hémolytique urémique ; des hépatites virales A ou E ; des ulcères ou cancers de l’estomac ; des légionelloses surtout chez les personnes fragiles, etc.).

La mauvaise qualité de l’eau peut aussi être due à une pollution d’origine chimique (arsenic, plomb, fluorure ou nitrate, pesticides…) avec des intoxications ponctuelles (relargage de plomb ou de cuivre), mais aussi des pathologies à plus long terme comme des cancers dus à des expositions chroniques (plus de 10 ans et jusqu’à 40 ans). Différentes localisations cancéreuses ont été associées à l’arsenic hydrique (cancers de la peau, vessie, rein, poumon) et aux sous-produits de chloration (vessie, colorectal). La difficulté à reconstituer des expositions anciennes et à prendre en compte les nombreux autres facteurs de risques (tabac, alimentation…) pour ces types de cancers expliquent souvent les divergences observées dans les études épidémiologiques.

La pollution nucléaire peut être noté au droit des centrales. Une étude réalisée par la CRIIRAD (Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité), en 2007, avait montré que les plantes aquatiques prélevées en aval du Tricastin présentaient une accumulation de tritium organiquement lié plus forte que les autres échantillons collectés dans le Rhône depuis Genève. En 2008, 360 kg d’uranium ont été évacués jusqu’au Rhône. En 2013, EDF a détecté une fuite de tritium dans les eaux souterraines de la centrale du Tricastin et ne l’a signalée qu’un mois plus tard. Le 6 novembre 2019,5 300 Bq/L – plus de deux mille fois au-dessus du bruit de fond – avait été mesurée dans les eaux de la centrale. EDF n’avait communiqué l’information au public que onze semaines plus tard, selon la Criirad.

L’omerta sur ce sujet est grande.

En Provence-Alpes-Côte d’Azur,même si l’eau distribuée est globalement de bonne qualité, des disparités géographiques de conformité bactériologique sont observées. Les Hautes-Alpes et les Alpes-de-Haute-Provence et, dans une moindre mesure, les Alpes-Maritimes sont les plus touchés, la situation s’étant améliorée entre 2015 et 2022 pour les trois départements. Ces non-conformités sont observées dans les zones montagneuses, où les captages sont plus vulnérables et les traitements plus difficiles à mettre en œuvre (manque de moyens des petites collectivités et / ou inexistence de traitements de désinfections) – source : Observatoire régional de la santé (ORS) Provence-Alpes-Côte d’Azur. Le respect des limites de potabilité pour certains polluants, comme l’arsenic, qui nécessitent des traitements coûteux, est parfois difficile à atteindre pour des petites communes dans les délais exigés par la réglementation. 

Le cas des nitrates.

La présence des nitrates dans les eaux est due à leur présence naturelle dans l’environnement, mais aussi à une contamination par des activités humaines (rejets urbains ou industriels, pollution agricole due aux engrais minéraux et organiques).

Dans l’organisme humain, les nitrates se transforment en nitrites qui peuvent présenter un risque pour la santé, par la modification des propriétés de l’hémoglobine du sang en empêchant un transport correct de l’oxygène par les globules rouges. Chez les très jeunes enfants de moins de 6 mois, cette maladie appelée méthémoglobinémie, provoque des cyanoses parfois sévères. Les femmes enceintes et les nourrissons sont les populations les plus sensibles. L’eau dont la teneur en nitrates est supérieure à 50 mg/l est déconseillée aux nourrissons et aux femmes enceintes.

Le cas des perturbateurs endocriniens – des poissons et des hommes

Des chercheurs ont déjà mis en évidence que des facteurs environnementaux peuvent altérer la génétique des poissons. Certaines substances chimiques utilisées dans l’industrie (papeterie, cosmétiques, détergents) ou l’agriculture (insecticides, pesticides), dont la structure moléculaire est proche de celles des hormones mâles (androgènes) ou femelles (oestrogènes), peuvent modifier la différenciation sexuelle des poissons. De plus, la température semble agir sur cette différenciation sexuelle. Un réchauffement de 5°C à 6° C modifie le sexe de certains poissons, alors qu’un écart de 1°C suffit pour d’autres. Pollution des eaux et réchauffement planétaire pourrait donc « bouleverser dangereusement l’équilibre reproductif », avec, à terme, « un risque de disparition de certaines populations, voire de certaines espèces ». 

La chute de la fertilité masculine (de 50 % à 60 % en moins de quarante ans) est identifiée depuis une trentaine d’années. Une variété de facteurs – alimentation, tabagisme, stress, exposition à certains produits chimiques courants, etc. – est suspectée. Le déclin de la qualité du sperme se note surtout dans les pays développés En 2022 des chercheurs britanniques et danois le mettent à nouveau en évidence. Les plus importants responsables sont : le bisphénol A (BPA) et ses succédanés (BPS, BPF), les dioxines poly chlorées et d’autres plastifiants (les phtalates), certains parabènes et le paracétamol. Selon les estimations des chercheurs, le niveau médian d’exposition combiné de la population générale à ces produits est environ vingt fois supérieur au seuil de risque. 

Les PFAS (polluants éternels)

Depuis la fin des années 1940, ces produits chimiques servent à fabriquer les traitements antiadhésifs, antitache et imperméabilisants des ustensiles et textiles : Teflon, Scotchgard, Gore-Tex… Ils se trouvent partout : tapis, cordes de guitare, batteries de véhicules électriques, peintures, traitements pour l’acné, emballages de kebab et frites, gainages de circuits électriques, prothèses de hanche ou fil dentaire. Faits de carbone et de fluor, ils sont indestructibles dans la nature.

Une enquête du Monde a récemment révélé les localisations de près de 21 500 sites présumés contaminés en raison d’une activité industrielle actuelles ou passées à travers toute l’Europe ainsi que plus de 230 usines identifiées comme utilisatrices de PFAS. Voir carte

Alerter

En 2017 déjà, sept personnalités de l’écologie, dont Nicolas Hulot, José Bové, Yannick Jadot ou encore Delphine Batho, s’étaient prêtées à une analyse de cheveux qui avaient montré la présence de perturbateurs endocriniens. 

En 2020, des analyses ont révélé la présence de 3 phtalates interdits dans les prélèvements de cheveux de 10 kinésithérapeutes ayant participé à une opération

En 2023, des polluants, des métaux, des « terres rares »… ont été retrouvés dans les cheveux des 26 sénateurs et sénatrices socialistes 

En 2023, 14 députés EELV ont envoyé des mèches de cheveux dans un laboratoire pour analyser le taux de substances poly- et perfluoroalkylées (PFAS) dans leur sang. Sur les douze PFAS recherchés, huit ont été détectés. Pourtant interdit en France depuis 2020, le PFOA, longtemps utilisé dans la fabrication du Teflon, a été identifié dans la totalité des mèches prélevées sur les élus. Le PFNA, un remplaçant du PFOA, a été retrouvé dans 86 % des échantillons, et le PFOS, lui-même interdit depuis 2009 (64 %).

Une prochaine série d’analyse sera conduite par EELV, dont quatre en Provence-Alpes-Côte d’Azur (Cannes, Seillons-Source-d’Argens, Gardanne, Avignon) 

Nos propositions

  • Une consultation pesticides et pathologies pédiatriques a été ouverte à Amiens, elle devrait être généralisée ;
  • Stopper la publicité pour les eaux en bouteille qui, depuis le récent scandale révélé, n’ont de naturelles que le nom et qui, en plus, participent à la dissémination du plastique ;
  • Développer les stations d’épuration qui éliminent les microplastiques et traitent les micropolluants (perturbateurs endocriniens, substances émergentes) ;
  • Multiplier les recherches épidémiologiques sur les polluants et les effets de leur cocktail ;
  • Diminuer les sources de pollutions, par exemple en agriculture/viticulture, aider le développement du BIO.

Sources & ressources