Analyse : l’Arménie en danger
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Photo Cesar Augusto Ramirez Vallejo / Pixa

L’Arménie d’aujourd’hui est un pays de 29 000 km2 situé dans le petit Caucase, enclavé entre l’Iran, la Georgie, la Turquie et l’Azerbaïdjan et isolée dans les tensions actuelles du moyen orient au sud et de la Russie au nord.

Elle fait face à la politique isolationniste de la Turquie, deuxième armée de l’Otan et alliée inconditionnelle de l’Azerbaïdjan avec qui l’Arménie est en conflit depuis la partition de Staline en 1936.

Face à l’armée de la dictature azerbaïdjanaise, forte du pétrole et du gaz (un gaz issu de la Russie, pour majorité) qu’elle exporte notamment en Europe, elle a préféré signer un cesser le feu le 20 septembre dernier et perdre le Haut Karabakh, un territoire de 4400 km2 où vivaient 120 000 arméniens depuis un siècle. Un tournant historique, qui marque la victoire de Bakou pour le contrôle de cette petite région montagneuse du Caucase, située sur son territoire mais peuplée en majorité d’Arméniens.

A la fois bénéficiaire et victime des instabilités et désordres qu’elle provoque dans la région, la Turquie peut se vanter de voir 60% des conflits mondiaux actuels se dérouler à ses frontières.

Désireuse d’exister sur la scène internationale, surjouant diplomatiquement du refus de son adhésion à l’Europe, comme de la crise migratoire qu’elle monnaye, filtre et disperse selon ses volontés, la Turquie est devenue, à dessin un pays déstabilisateur pour toute la région.

Un pays membre de l’Otan, mais qui achète des missiles russes ; un pays qui reçoit Poutine en grande pompe, mais qui livre des drones Bayraktar à l’Ukraine ; un pays qui fait naitre les sentiments les plus nationalistes dans sa population, mais qui prétend à l’Europe.

Comme d’autres puissances, elle joue sa propre partition. Une partition internationale qui se nomme « énergie ».

Ne nous y trompons pas, les revendications territoriales de l’Azerbaïdjan et de la Turquie en sous main, prétendument historiques ou identitaires ne sont qu’une façade.

La Turquie, comme la Russie, ont choisi d’emprunter des axes hérités d’un passé impérial révolu pour parvenir à leurs fins. S’arroger les réserves et la stratégie énergétiques de la région. La Russie exportant toujours son pétrole, via l’Azerbaïdjan…

Le Haut Karabakh, malgré un siècle de passé torturé, né de l’esprit de division de Staline, n’était pas un réel enjeu pour les Azéris ou les Turcs. Cette guerre était le premier pion sur l’échiquier menant à l’ouverture d’un corridor reliant la Turquie à la mer Caspienne, riche en hydrocarbures.

En quelques semaines, 120 000 déportés arméniens du Haut Karabakh ont vécu un exode ce qui, en soit est un crime contre l’humanité. Ils sont accueillis depuis le 28 septembre, tant bien que mal dans les foyers d’Erevan et ses alentours. Et l’aide internationale a bien du mal à arriver dans un pays sans accès à la mer et qui est entouré de voisins sous le joug russe, turc, ou mis au ban de l’occident.

C’est la raison pour laquelle, après le Haut Karabakh (Artsakh en arménien), ses centaines de morts et son nettoyage ethnique, la Turquie et l’Azerbaïdjan, sous les yeux ébahis des occidentaux et malgré les mises en garde de la diaspora et du gouvernement arméniens procèdent en ce moment même à de grandes manœuvres militaires nommées « Mustafa Kemal Atatürk 2023 « , dignes de la préparation d’une invasion.

Sous de frauduleux prétextes, la Turquie trace sa route, avec le dictateur Gueidar Aleievitch Aliyev en éclaireur vers la mer Caspienne et vers le retour souhaité et promis d’un empire Ottoman. Comme Poutine a mis au pas Loukachenko en déployant des ogives nucléaires aux portes de l’Europe, Erdogan a mis au pas Aliyev. Et peut être l’Arménie, dans un futur proche…

C’est dans un contexte de rapprochement avec l’U.E et de refus de s’aligner sur la politique de Poutine que l’Arménie du premier Ministre Nikol Pachinyan joue sa survie.

Le corridor du « Zanguezur » vise à relier l’Azerbaïdjan et la République autonome du Nakhitchevan en passant par la région arménienne de Syunik. Cette route (qui n’a pas le statut de corridor) qui a joué un rôle important dans les réseaux de transport régionaux et internationaux pendant l’ère soviétique, a été interrompue pendant trois décennies en raison du conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan au sujet du Haut-Karabakh. L’Azerbaïdjan vise à établir ce corridor sans la juridiction de l’Arménie, la Russie fournissant des garanties de sécurité et de contrôle des frontières. Le corridor complétera le réseau de transport de la Caspienne, qui comprend le corridor de transport « Est-Ouest » et le corridor de transport international Nord-Sud, ainsi que le système d’oléoducs et de gazoducs qui s’étend de la région de la Caspienne jusqu’à l’Europe.

Le principal défi du « corridor de Zangezur » russo-turc pourrait ne pas concerner la route physique, mais plutôt l’approvisionnement en gaz russe. Le président azerbaïdjanais Aliyev a toujours été explicite en suggérant que la force militaire pourrait être une option si l’Arménie ne coopérait pas volontairement sur cet aspect.

Faces aux ambitions croisées de la Turquie, de l’Azerbaidjan et de la Russie, l’Arménie toute entière est en danger.

Demain, combien d’arméniens devront, une fois de plus quitter (pour le meilleur des cas) leur territoire du Nakhitchevan et alentours, situés à la frontière avec l’Iran ?

Plus que jamais, EELV PACA exprime ses craintes et son inquiétude dans la situation actuelle.

Nous appelons le gouvernement français à accentuer les pressions diplomatiques et l’Europe à se couper du gaz azerbaïdjanais. Qui ne représente « que » 23 milliards de m3 sur 400 milliards. Et, s’il le faut, à prendre des sanctions économiques contre la Turquie.

Olivier Kalousdian
Les Écologistes / EÉLV Coeur de Marseille

Lire le Communiqué d’EÉLV Paca : L’Arménie se prépare au pire